DĂ©couvrezdes commentaires utiles de client et des classements de commentaires pour ConsidĂ©rations sur les principaux Ă©vĂ©nements de la rĂ©volution française sur Amazon.fr. Lisez des commentaires honnĂȘtes et non biaisĂ©s sur les produits de la part nos utilisateurs. Accueil > Les ConfĂ©rences de l’ARBR > Les rĂ©fĂ©rences Ă  la RĂ©volution Française chez les nationalistes du ... L’ARBR est une association trentenaire dont la vocation est de faire connaĂźtre la vie et l’Ɠuvre de Robespierre et les rĂ©alitĂ©s de la RĂ©volution française. Elle compte aujourd’hui prĂšs de 400 membres rĂ©partis dans toute la France et aussi Ă  l’étranger. La pĂ©tition entreprise de 2012 Ă  2014 pour rĂ©clamer l’existence d’un espace musĂ©ographique consacrĂ© Ă  notre rĂ©volutionnaire dans sa ville natale reçut elle aussi un large Ă©cho Ă  travers le monde grĂące Ă  l’internet. C’est dire que la rĂ©alitĂ© de la rĂ©volution c’est aussi le large Ă©cho et l’intĂ©rĂȘt que cette pĂ©riode de notre Histoire suscite encore parmi les citoyens de nombreux pays. Notre but s’oppose Ă  toutes les tentatives idĂ©ologiques actuelles qui consistent Ă  fossiliser ce moment extraordinaire de notre passĂ© inscrit dans l’imaginaire de chacun et Ă  contrario d’en Ă©clairer les objectifs et les idĂ©aux dont la rĂ©alisation est toujours inachevĂ©e et demeurent d’actualitĂ©. Il peut paraĂźtre surprenant, voire saugrenu, que notre association s’intĂ©resse Ă  la maniĂšre dont les nationalistes du Maghreb se sont emparĂ©s ou inspirĂ©s de l’Histoire de la RĂ©volution d’un pays devenu colonisateur aprĂšs avoir inventĂ© les droits de l’homme » , et cherche Ă  savoir comment elle a pu influencer leur pensĂ©e. Cet intĂ©rĂȘt est communĂ©ment admis lorsqu’il s’agit de la RĂ©volution soviĂ©tique – demandez-vous sous quels rapports – il n’échappe Ă  personne pour l’Histoire de la brĂšve rĂ©publique de Florence, mais il nous a semblĂ© qu’il l’était moins pour une Histoire qui est pourtant celle des origines de prĂšs de 7 millions de nos concitoyens. Notre intention nous est venue de l’exemple de Patrick Boucheron publiant avec l’aide de 120 de ses collĂšgues une Histoire Mondiale de la France ». Quelles rĂ©fĂ©rences Ă  la RĂ©volution française et Ă  Robespierre peut-on lire dans l’Ɠuvre des nationalistes du Maghreb ? C’est la question que nous avons posĂ©e Ă  notre invitĂ©. Sa rĂ©putation d’historien n’est pas Ă  faire. Il est connu comme l’un des meilleurs spĂ©cialistes de l’histoire de l’immigration algĂ©rienne et des mouvements nationalistes dans la rĂ©gion. Je ne saurais que vous recommander la lecture des 4 ouvrages qu’il a publiĂ©s Ă  cet Ă©gard. [1] Je lui cĂšde la parole. La confĂ©rence Les rĂ©fĂ©rences Ă  la RĂ©volution Française chez les nationalistes du Maghreb Par Jean-RenĂ© Genty INTRODUCTION Remerciements Citation de Bernard Lewis [2] La RĂ©volution française a Ă©tĂ© le premier grand mouvement d’idĂ©es de la chrĂ©tientĂ© occidentale Ă  s’ĂȘtre imposĂ© Ă  l’Islam ». Plusieurs points en propos introductifs Ce rĂ©cit concerne le plus souvent le monde des Ă©lites mais pas uniquement. Les populations s’emparĂšrent Ă  intervalle rĂ©gulier de ces diffĂ©rentes thĂ©matiques. Il concerne deux ensembles gĂ©opolitiques et de ce fait, les questions de traduction et de translation des concepts sont importantes watan, thouira, hogra, fitna [3]. L’histoire est mouvement et il faut bien comprendre que l’appropriation des concepts et leur dĂ©finition se modifient au fil des Ă©vĂ©nements historiques survenus au cours du XIX et du XXe siĂšcles et en particulier la rĂ©volution turque et la rĂ©volution bolchĂ©vique. Ainsi, Benjamin Stora Ă©voque-t-il, pour la mouvance PPA, la lecture 89 par 17 » [4]. Par ailleurs ces rĂ©fĂ©rences ou ces invocations Ă  la RĂ©volution française empruntent soit des formes explicites soit d’autres plus implicites, les acteurs concernĂ©s adoptant, rĂ©interprĂ©tant les concepts et les analyses pour les adopter voire les adapter ou les rĂ©futer. L’intervention se concentrera sur la situation algĂ©rienne qui, Ă  bien des Ă©gards, prĂ©sente des caractĂ©ristiques exacerbĂ©es processus de colonisation d’une extrĂȘme brutalitĂ©, systĂšme porteur de contradictions avec un statut juridique classique – trois dĂ©partements – qui rĂ©git une sociĂ©tĂ© clivĂ©e avec une minoritĂ© – europĂ©enne – disposant d’une citoyennetĂ© pleine et entiĂšre et une majoritĂ© indigĂšne » la question des juifs [5] Ă©tant distinguĂ©e Ă  part. Cette intervention s’articulera selon la progression suivante -*Une premiĂšre approche qui esquissera une gĂ©nĂ©alogie historique de l’appropriation, l’acculturation des concepts de la RĂ©volution et plus gĂ©nĂ©ralement de ceux des LumiĂšres » Ă  travers trois moments historiques l’expĂ©dition d’Égypte, le rĂ©formisme de l’Empire ottoman puis la RĂ©publique turque. -*En second lieu, Ă  partir de cette situation, on Ă©voquera le rĂŽle trĂšs important dans le domaine les idĂ©es des penseurs Ă©voluĂ©s » de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration. -*La troisiĂšme partie sera consacrĂ©e aux positions des nationalistes contemporains notamment pendant la guerre de libĂ©ration. REPÈRES SUR L’ACCUEIL DES THÉMATIQUES RÉVOLUTIONNAIRES PAR LE MONDE ARABO MUSULMAN 1- Une longue maturation depuis le XVIIIe siĂšcle 1-1 Orientalisme et instrumentalisation Le monde intellectuel et diplomatique europĂ©en et plus particuliĂšrement français se passionne pour la question de l’Empire ottoman ». Une majoritĂ© des philosophes se sont intĂ©ressĂ©s Ă  cette question et ont Ă©crit Ă  ce sujet. Il y a une passion française pour l’orient. Les LumiĂšres » Ă©laborent et popularisent des concepts positifs mais aussi des Ă©lĂ©ments plus contestables qui auront une postĂ©ritĂ© dĂ©testable dĂ©voiement du principe des nationalitĂ©s imprĂ©gnĂ© de racialisme. Cet intĂ©rĂȘt puissant est aussi articulĂ© sur des reprĂ©sentations fantasmĂ©es et Ă  l’origine de l’orientalisme que Edward SaĂŻd analysera par la suite [6]. La question ottomane constitue alors une des principales questions internationales. En 1789, l’opinion intellectuelle et politique se partage en deux lignes Ă  ce sujet L’une plutĂŽt rousseauiste qui considĂšre que la sociĂ©tĂ© islamique est certes despotique mais dĂ©mocratique car Ă©galitaire. Son moindre avancement dans la voie du progrĂšs la rend plus proche de l’authenticitĂ© et de la vĂ©ritĂ© du temps des origines de l’HumanitĂ©. Elle est moins corrompue que les sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes ;Pour la deuxiĂšme tendance, la sociĂ©tĂ© ottomane est le produit de la domination d’une aristocratie de conquĂ©rants turcs exploitant une masse chrĂ©tienne un Tiers-État oriental composĂ© d’anciennes nations. Le pouvoir rĂ©volutionnaire va osciller entre ces deux tendances selon les diffĂ©rentes phases. Ainsi, la politique menĂ©e par le comitĂ© de Salut Public plutĂŽt rousseauiste » tente de renforcer ses liens avec l’Empire ottoman pour prendre Ă  revers les coalisĂ©s. À l’inverse, les autres Ă©quipes gouvernementales plutĂŽt de l’autre tendance et hostiles Ă  l’Empire ottoman et Ă  la civilisation arabo-musulmane considĂšrent ces derniers avec mĂ©pris. 1-2 L’hĂ©ritage des LumiĂšres » et des rĂ©volutions europĂ©ennes En fait les LumiĂšres » ne sont pas un bloc. Les diffĂ©rents courants qui sont englobĂ©s dĂ©veloppent outre les valeurs universalistes mais aussi, le nationalisme, le racisme, le scientisme etc. Mais des idĂ©es fortes se rĂ©pandent production d’un programme politique sĂ©cularisĂ©. SouverainetĂ© nationale, etc. Le corpus commun des LumiĂšres se dĂ©finit en termes d’optimisme et de foi en l’avenir sauf Rousseau, de rationalisme conquĂ©rant qui s’attaque Ă  tout ce qui symbolise le passĂ©, le despotisme sauf Ă©clairĂ©, les abus et les superstitions. En rĂ©alitĂ©, il faut Ă©largir le pĂ©rimĂštre des influences Ă  ce que l’on appelĂ© Les LumiĂšres » et Ă  ce que Jacques Godechot [7] avait dĂ©signĂ© comme le siĂšcle des RĂ©volutions ». A cet Ă©gard, la DĂ©claration d’IndĂ©pendance des 13 colonies amĂ©ricaines constitue une rĂ©fĂ©rence forte [8]. Lorsque dans le cours des Ă©vĂ©nements humains, il devient nĂ©cessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attachĂ© Ă  un autre et de prendre, parmi les puissances de la Terre, la place sĂ©parĂ©e et Ă©gale Ă  laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dĂ» Ă  l’opinion de l’humanitĂ© l’oblige Ă  dĂ©clarer les causes qui le dĂ©terminent Ă  la sĂ©paration. » Les principes de la dĂ©claration d’IndĂ©pendance vont entrer en rĂ©sonance avec la dĂ©claration en 14 points du prĂ©sident Wilson et notamment le point 5 Point 5 Un ajustement libre, ouvert, absolument impartial de tous les territoires coloniaux, se basant sur le principe qu’en dĂ©terminant toutes les questions au sujet de la souverainetĂ©, les intĂ©rĂȘts des populations concernĂ©es soient autant pris en compte que les revendications Ă©quitables du gouvernement dont le titre est Ă  dĂ©terminer. » et vont attirer l’attention des AlgĂ©riens. Cette dĂ©claration aura une rĂ©sonance considĂ©rable parmi les peuples colonisĂ©s. Ce corpus thĂ©matique des LumiĂšres peut ĂȘtre rĂ©sumĂ© par la devise rĂ©publicaine, LibertĂ©, ÉgalitĂ©, FraternitĂ© » qui rassemble toute une sĂ©rie de principes l’égalitĂ© civile, Ă©galitĂ© de tous les citoyens ; limites bien connues dans le domaine politique. La LibertĂ© reprĂ©sente et englobe la libertĂ© individuelle, traduction notamment dans le domaine de la justice, prolongement du travail des LumiĂšres, libertĂ© d’opinion et libertĂ© de conscience fin du monopole de l’église catholique, souverainetĂ© du peuple, rĂ©gime reprĂ©sentatif fondĂ© sur la sĂ©paration des pouvoirs. L’attrait des doctrines militaires est puissant car les techniques militaires françaises du XVIIIe siĂšcle impressionnĂšrent et influencĂšrent l’Empire Ottoman. Mais l’hĂ©ritage des LumiĂšres » est aussi trĂšs composite DĂ©borah Cohen [9] La diffĂ©rence entre aujourd’hui et les annĂ©es 1960 et 1970, c’est que l’historiographie a reconnu que les LumiĂšres considĂ©rĂ©es comme un tout n’existaient pas vraiment 2. Je ne pense pas que la chose la plus intĂ©ressante soit d’affirmer que le XVIIIe siĂšcle, les LumiĂšres ou la RĂ©volution française considĂ©rĂ©s comme un bloc seraient responsables de la situation dans laquelle nous sommes. C’était une pĂ©riode de bouleversements de la pensĂ©e tels que beaucoup de possibles Ă©taient ouverts. Je suis d’accord pour dire que le nationalisme, le racisme, le scientisme Ă©taient absolument au nombre des composantes des LumiĂšres » [10]. 1-3 L’expĂ©dition d’Egypte un Ă©vĂ©nement fondateur La politique musulmane de Bonaparte Tous les historiens europĂ©ens et arabes s’accordent pour considĂ©rer l’expĂ©dition d’Égypte comme un Ă©vĂ©nement fondateur qui relĂšve d’une dĂ©marche politique du Directoire et non pas d’une aventure personnelle. La dĂ©cision mĂȘle plusieurs objectifs rappels -* Depuis la conquĂȘte de l’Italie, la RĂ©publique est limitrophe de l’Empire ottoman et les frictions ont tendance Ă  se multiplier -* La ligne politique incarnĂ©e par Bonaparte l’emporte avec le concept de Grande Nation » qui vise Ă  imposer la RĂ©volution par les armes en s’appuyant sur les minoritĂ©s rĂ©voltĂ©es ; -* L’affrontement avec le Royaume-Uni qui se poursuit avec l’idĂ©e de contrĂŽler les routes commerciales en MĂ©diterranĂ©e et prendre l’ennemi Ă  revers La fascination de l’Égypte. L’expĂ©dition d’Égypte, outre son aspect proprement militaire, revĂȘt une dimension idĂ©ologique trĂšs forte. Bonaparte emmĂšne, certes, une mission scientifique importante mais il Ă©labore un discours idĂ©ologique spĂ©cifique qu’il expliqua plus tard dans son rĂ©cit de la campagne. Il mĂȘle rhĂ©torique rĂ©volutionnaire française et lĂ©gitimation islamique des rĂ©voltes contre un sultan despotique donc corrompu qui a donnĂ© le pouvoir aux mamelouks qui exploitent le peuple Ă©gyptien. Cette dĂ©marche tourne court notamment en raison de l’athĂ©isme militant des troupes françaises et de la rĂ©action du gouvernement ottoman [11]. Pour le monde musulman, l’expĂ©dition d’Égypte ouvre l’ùre des agressions coloniales des pays europĂ©ens Ă  la fois militaires et idĂ©ologiques mais le choc est tel que cet Ă©vĂ©nement irrigue l’ensemble du siĂšcle. Les milieux progressistes et les milieux conservateurs vont s’emparer des concepts rĂ©volutionnaires pour les travailler et les adapter. Cela passe par un important travail de conceptualisation qui emprunte aux domaines juridique, religieux, philosophique et linguistique. Comment dĂ©signer, fonder des concepts comme RĂ©volution, libertĂ© individuelle, libertĂ©s publiques etc. Il faut donc prendre des termes existants et en modifier le sens comme celui d’ El Watan » [12], par exemple. Au dĂ©part ce terme est plus ou moins synonyme de oumma » puis il est utilisĂ© pour dĂ©signer le peuple au sens de Nation dans une perspective sĂ©cularisĂ©e. Althawra dĂ©signe la RĂ©volution aprĂšs avoir Ă©voquĂ© le coup de force. La campagne d’Egypte par le cinĂ©ma Y. Chahine Ce travail multiple et gĂ©nĂ©ralisĂ© va se construire soit en rupture avec les concepts islamiques soit en articulation avec eux. 1-4 Le bouillonnement intellectuel du XIXe siĂšcle Les Ă©volutions politiques L’Empire ottoman, qui s’est rangĂ© suite Ă  l’expĂ©dition d’Égypte du cĂŽtĂ© des puissances conservatrices, ainsi que ses diffĂ©rentes composantes entreprennent Ă  travers de nombreuses vicissitudes au dĂ©but du siĂšcle un processus de modernisation. Le premier domaine concerne la question militaire. La premiĂšre partie du siĂšcle est marquĂ©e par un affaiblissement du pouvoir central qui se traduit par la rĂ©volte de minoritĂ©s qui se rĂ©clament directement du principe des nationalitĂ©s notamment la rĂ©volte grecque. Celle-ci caractĂ©rise le dĂ©but d’un processus des rĂ©voltes centrĂ©es sur des processus ethniques et religieux avec le soutien des pays europĂ©ens. ParallĂšlement les composantes de l’Empire prennent de plus en plus leur autonomie comme le montre l’émergence de l’Égypte ou Mohammed Ali mĂšne une politique volontariste de modernisation en important les techniques et en recourant Ă  des intervenants français notamment saint-simoniens. Le gouverneur de l’Égypte adopte un discours officiel qui plaĂźt aux occidentaux et se place dĂ©libĂ©rĂ©ment dans le sillage de Bonaparte. La seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle est marquĂ©e par la publication des Tanzimat [13] qui constituent un effort sans prĂ©cĂ©dent de modernisation de l’Empire Ottoman qui concerne tous les aspects de la vie et de l’organisation sociale et politique. L’influence des philosophes français demeurera au centre des rĂ©flexions politiques du monde arabo-musulman et notamment Jean-Jacques Rousseau – mais aussi Montesquieu ou Auguste Comte – dont l’influence sur l’Orient et l’Asie sera considĂ©rable au XIX° et au XXe siĂšcle. Ainsi, Messali Hadj Ă©crira dans ses mĂ©moires Ă  la fin de sa vie, en 1972 cahier n°12, [14]. L’’Ɠuvre de Jean-Jacques Rousseau m’a marquĂ© jusqu’à Ă©crire mes MĂ©moires, aprĂšs avoir longtemps Ă©tĂ© indĂ©cis. À l’époque, il m’avait Ă©clairĂ© sur les problĂšmes de la libertĂ©, de la dĂ©mocratie, de la justice. Ne peut-on pas dire, en exagĂ©rant Ă  peine, que Rousseau a Ă©tĂ© le pĂšre de la RĂ©volution française ? Ou du moins celui qui l’a annoncĂ©e ? À dire vrai, mĂȘme si cela peut sembler Ă©trange, j’en Ă©tais justement Ă  me demander, en 1935, si je n’étais pas sur une voie rĂ©volutionnaire depuis plusieurs annĂ©es ».La renaissance religieuse Djemal ad Din al AfghĂąni 1838-1897 Les milieux religieux, passĂ© le choc de l’expĂ©dition d’Égypte et l’hostilitĂ© Ă  l’athĂ©isme rĂ©publicain, vont entamer un processus de rĂ©flexion thĂ©ologique prenant en compte – mĂȘme pour s’y opposer – les concepts des LumiĂšres » en s’inspirant explicitement du protestantisme. C’est le mouvement incarnĂ© notamment par des penseurs comme Djamal ad Din Al Afgani [15] ou Moh Abdou [16]. La dĂ©marche suivie par ces thĂ©ologiens repose sur le retour au texte originel salafisme et affirme qu’il n’y a pas d’incompatibilitĂ© entre la foi et la raison, celle-ci l’emportant. Mohammed Abduh 1849-1906 Les principes de la libertĂ© et de la responsabilitĂ© de l’homme sont mis en avant. La prise en compte des concepts de la RĂ©volution s’opĂšre au prisme de l’expĂ©dition d’Égypte. Les deux hommes sont farouchement anti-impĂ©rialistes. Ajoutons qu’ils sont fortement influencĂ©s par le soufisme et ont Ă©tĂ© francs-maçons [17]. Ce mouvement de fond va jouer un rĂŽle important dans le mouvement national algĂ©rien [18]. 1-5 L’époque de tous les possibles La dĂ©marche autoritaire incarnĂ©e par le kemalisme Mustapha Kemal’Mustapha Kemal, le ghazi le Victorieux1881-1938 Le kĂ©malisme bĂ©nĂ©ficie d’un prĂ©jugĂ© favorable en Occident en raison du fait qu’il illustrerait le modĂšle d’une action rapide de modernisation sociale, culturelle et politique rĂ©ussie d’un pays musulman. Cette image a Ă©tĂ© largement mise en avant par le pouvoir kĂ©maliste qui n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  afficher ses rĂ©fĂ©rences aux LumiĂšres » notamment Ă  Jean-Jacques Rousseau dont Mustapha Kemal possĂ©dait des ouvrages annotĂ©s. La grande RĂ©volution Française a trĂšs bien dĂ©montrĂ© quels prodiges pouvait rĂ©aliser un peuple exaltĂ© et rempli d’amour pour la LibertĂ© et l’indĂ©pendance » Mustapha Kemal [19] Les piliers de la doctrine sont au nombre de deux Un nationalisme turc exacerbĂ© marquĂ© par un racialisme – la langue soleil – qui va devenir de plus en plus obsĂ©dant et dominant au cours des annĂ©es trente ;Une laĂŻcitĂ© autoritaire revendiquĂ©e on retient les diffĂ©rentes lois scandant la laĂŻcisation abolition du califat en 1924, loi des casquettes, vote des femmes, rĂ©pression Ă©pouvantable de la rĂ©volte kurde de 1925, interdiction des confrĂ©ries
 En 1937, la rĂ©vision [20] constitutionnelle intĂšgre le principe de laĂŻcitĂ© mais une laĂŻcitĂ© spĂ©cifique » Puisque, Dieu merci, nous sommes tous Turcs, donc tous musulmans, nous pourrons et devrons ĂȘtre tous laĂŻques ». Mustapha Kemal Cette citation indique bien une conception de l’Islam, religion d’État, composante essentielle du nationalisme. Tous les Turcs payent un impĂŽt qui financent uniquement le culte sunnite [21] en ignorant par exemple les AlĂ©vis [22]. Elle illustre Ă©galement une conception de la RĂ©publique fondĂ©e sur la langue, la religion voire la race. La rĂ©fĂ©rence demeure le principe des nationalitĂ©s. Ce modĂšle va inspirer d’autres rĂ©gimes autoritaires parti Baath ; nassĂ©risme etc. Une approche dĂ©mocratique la constitution Ă©gyptienne de 1923 L’évolution de l’Egypte Ă  la fin du XIXe apparaĂźt assez remarquable dans le sens oĂč elle propose une autre voie que le rĂ©publicanisme autoritaire. La devise du parti nationaliste Wafd, La religion est pour Dieu et la patrie pour tous », est assez Ă©clairante. Le Rescrit royal inscrit dans la constitution de 1923 dont l’article 3 proclame Tous les Egyptiens sont Ă©gaux devant la loi. Ils jouissent Ă©galement des droits civiques et politiques et sont Ă©galement soumis aux droits et devoirs publics sans aucune distinction de race, de langue et de religion
 » Suivi de l’article 4 La libertĂ© individuelle est garantie ». L’ensemble de ces Ă©lĂ©ments contribuent Ă  crĂ©er le climat dans lequel le nationalisme algĂ©rien moderne va se construire. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la pĂ©riode est marquĂ©e par l’émergence du je » individuel dans un univers constituĂ© par un enchevĂȘtrement de liens religieux, ethniques, tribaux, la fameuse sociĂ©tĂ© segmentaire analysĂ©e par Ernst Gellner. Cette question est au cƓur du dernier livre de Mahmoud Hussein intitulĂ© Les rĂ©voltĂ©s du Nil, une autre histoire de l’Égypte » [23].L’ACTION DES PREMIÈRES ÉLITES ALGÉRIENNES 1- Une sociĂ©tĂ© coloniale profondĂ©ment inĂ©galitaire et violente L’exemple de la scolarisation L’AlgĂ©rie reprĂ©sente une situation paroxystique de la colonisation Ă  la française caractĂ©risĂ©e par les Ă©lĂ©ments suivants -*ConquĂȘte militaire particuliĂšrement violente ; -*Colonie de peuplement crĂ©ant une situation paroxystique de violence institutionnelle -*SystĂšme complexe Ă  la fin du XIXe siĂšcle juridiquement des dĂ©partements français mais avec deux populations la population europĂ©enne et les populations d’origine rĂ©gis par des statuts juridiques diffĂ©rents et inĂ©galitaires. La question scolaire illustre assez prĂ©cisĂ©ment cette situation et elle a un lien direct avec notre sujet puisqu’il s’agit de transmission. Rappelons quelques points En 1870, crĂ©ation des 2 sections europĂ©ens et indigĂšnes Ă  cĂŽtĂ© de la filiĂšre musulmane. 1889 2% des enfants musulmans scolarisĂ©s ; 84% des enfants europĂ©ens ; 1943 moins de 10% des enfants musulmans scolarisĂ©s hostilitĂ© des Ă©lus europĂ©ens et rĂ©sistance passive des musulmans. Abolition en 1948 de la sĂ©paration entre les 2 systĂšmes, NĂ©anmoins, cette Ă©cole française, lĂ  oĂč elle a rĂ©ellement fonctionnĂ©, a jouĂ© un rĂŽle important dans la transmission. Les leaders nationalistes qui passĂšrent par celle-ci indigĂšne ou classique rendront tous hommage Ă  leurs enseignants y compris pour avoir dĂ©veloppĂ© leur sens critique. Dans ses mĂ©moires d’un combattant, Hocine AĂŻt Ahmed Ă©voquera cette pĂ©riode de son enfance dans des termes Ă©logieux Cet Ă©tablissement comportait deux sections la section française, rĂ©servĂ©e aux fils de fonctionnaires français, et la section indigĂšne. Le directeur, un mĂ©tropolitain », s’appelait M. ThomĂ©. C’était un humaniste, un enseignant aussi dĂ©vouĂ© que compĂ©tent en derniĂšre annĂ©e, c’est lui qui me prĂ©parera spĂ©cialement au concours d’admission au lycĂ©e. Nos maĂźtres, d’origine kabyle, avaient une formation aussi robuste que leurs coups de poing -lesquels Ă©taient sans doute nĂ©cessaires pour tenir en main des classes de soixante Ă  soixante-dix Ă©lĂšves. Et encore Ă©tions-nous des privilĂ©giĂ©s, car peu de douars possĂ©daient leur Ă©cole, moins de 10 % des jeunes AlgĂ©riens Ă©taient scolarisĂ©s » [24]. Pour sa part, Sadek Hadjeres, [25] Ă©lĂšve dans les annĂ©es trente de l’EPS [26] de Tizi Ouzou se montrera plus critique sur les contenus De 1800 Ă  nos jours, l’histoire rĂ©sumait ainsi toute la barbarie et le fanatisme de notre cĂŽtĂ©, tout l’hĂ©roĂŻsme, toute l’humanitĂ© du cĂŽtĂ© des nouveaux venus et de leur systĂšme. Nous Ă©prouvions un mĂ©lange de honte et d’irritation, de dĂ©sarroi et de colĂšre. La honte et le dĂ©sarroi venaient de ce que, dans nos pauvres cervelles, nous n’avions pas grand-chose de prĂ©cis Ă  opposer ce qui Ă©tait Ă©crit lĂ  noir sur blanc, dans ce livre qui ne devait pas mentir, puisque ne mentaient ni le livre d’arithmĂ©tique ni celui de leçons de choses
" [27] » 2- La dĂ©nonciation de la situation algĂ©rienne par la premiĂšre gĂ©nĂ©ration, Ă©voluĂ©s » et rĂ©formistes » Au dĂ©but du XXe siĂšcle, en dĂ©pit de la faible scolarisation des jeunes algĂ©riens, des individus ayant atteint un niveau Ă©levĂ© de formation publient des textes qui tentent de concilier l’ancrage dans le monde arabo-musulman avec des nuances marquĂ©es et la volontĂ© de prise en compte des valeurs de la RĂ©publique. Ils vont interpeller celle-ci sur la maniĂšre dont elle n’applique pas les principes rĂ©publicains qu’elle proclame ; 2-1 Des militaires saisis par la citoyennetĂ© Cadi et Khaled Deux officiers algĂ©riens vont jouer un rĂŽle dans cette rĂ©flexion intellectuelle, le lieutenant-colonel Cherif Cadi et le capitaine Khaled. Colonel cr Cherif Kadi Cherrif Cadi [28] est nĂ© en 1867 dans un douar prĂšs de Souk Ahras dans une famille hilalienne » [29]. Il suit l’école coranique jusqu’à 12 ans mais ses frĂšres le scolarisent Ă  l’école française puis au collĂšge de Constantine. Bachelier en sciences, il obtient une bourse pour suivre des Ă©tudes supĂ©rieures Ă  Alger. En 1897, il est reçu Ă  polytechnique. À sa sortie, il choisit l’artillerie et obtint sa naturalisation en 1887. Sa carriĂšre militaire se dĂ©roule sans Ă -coups mais il n’obtient pas les avancements auxquels il aurait eu droit et notamment celui au grade de colonel en fin de carriĂšre aprĂšs la campagne du Hedjaz. RetirĂ© en AlgĂ©rie, il publie des livres et des articles dans lesquels il tente d’opĂ©rer une synthĂšse entre les valeurs de l’Islam et celles de la RĂ©publique. Les cadres gĂ©nĂ©raux de sa pensĂ©e s’organisent autour des postulats suivants SuprĂ©matie absolue de la civilisation française et de ses valeurs et conscience aigĂŒe de la richesse du passĂ© du Maghreb, exaltation de l’arabisme et silence sur les BerbĂšres. Par beaucoup de cĂŽtĂ©s, Cherif Kadi se rattache au mouvement de rĂ©formisme musulman. Pour lui, l’Islam est le sceau des prophĂštes et contient l’ensemble des religions du Livre. Il prĂŽne le retour aux textes et la rĂ©futation de l’islam populaire – le maraboutisme. Par ces aspects, il se rattache au salafisme. Mais il attache une grande importance Ă  la Nation française. Le programme qu’il dĂ©fend dans ses articles et dans ses livres vise Ă  prĂ©server les valeurs de l’Islam tout en faisant abstraction de toute la partie sociale et politique qui, je le rĂ©pĂšte, est variable dans le temps et dans les diffĂ©rentes parties de notre planĂšte ». Cherif Cadi insiste sur l’importance de l’éducation des jeunes, la condition des femmes et le statut des IndigĂšnes. Emir Khaled Un autre officier va se faire le porte-parole des revendications algĂ©riennes et devenir un symbole, le capitaine Khaled [30]. Le petit-fils de l’Emir bĂ©nĂ©ficie ou souffre du statut particulier fait Ă  la famille d’Abd-el-Kader par les autoritĂ©s françaises. NĂ© Ă  Damas en 1875, il est le fils de Sidi El Hachemi. PensionnĂ© du gouvernement français, il suit sa scolaritĂ© Ă  Louis le Grand puis Ă  Saint-Cyr. Refusant de demander sa naturalisation, il suit une carriĂšre d’officier indigĂšne qui s’achĂšve au grade de capitaine. À partir de 1913, il devient une figure politique en AlgĂ©rie et se signale par diffĂ©rentes prises de position. Khaled se situe Ă  la confluence de son hĂ©ritage et de son rang social — hĂ©ritier d’une famille chorfa [31], petit-fils de l’Emir – et de son attention aux nouvelles situations, l’émigration, et des nouvelles forces politiques le communisme. Khaled fait partie, avant-guerre du mouvement dit des Jeunes AlgĂ©riens ». EngagĂ© politiquement, il publie de nombreux textes critiques dans lesquels il rĂ©clame la suppression du rĂ©gime de l’indigĂ©nat, la reprĂ©sentation des musulmans dans les instances locales et l’assimilation. En mai 1919, il fait remettre Ă  un membre de la dĂ©lĂ©gation amĂ©ricaine une adresse destinĂ©e au prĂ©sident Wilson en prĂ©sentant la condition de l’AlgĂ©rie Ă  la lumiĂšre du point. La lettre prĂ©sente l’argumentaire suivant Appropriation des terres par les colons qui engendre le paupĂ©risme de la population indigĂšne ; Le poids de la fiscalitĂ© ; Une AlgĂ©rie française prospĂšre qui contraste avec la misĂšre des AlgĂ©riens ; RĂ©gime de l’indigĂ©nat et conscription obligatoire ; Le rĂŽle de la premiĂšre Guerre Mondiale ; MisĂšre en AlgĂ©rie ; Rappel de la dĂ©claration de Wilson et de son article 5 Un ajustement libre, ouvert, absolument impartial de tous les territoires coloniaux, se basant sur le principe qu’en dĂ©terminant toutes les questions au sujet de la souverainetĂ©, les intĂ©rĂȘts des populations concernĂ©es soient autant pris en compte que les revendications Ă©quitables du gouvernement dont le titre est Ă  dĂ©terminer. » En juillet 1924, Khaled fait un sĂ©jour Ă  Paris pris en charge par le PCF. Il prononce deux confĂ©rences au cours desquelles il expose ses vues politiques. Dans ses confĂ©rences l’émir KhĂąled revendiquait, comme dans sa lettre au PrĂ©sident du Conseil, une reprĂ©sentation parlementaire Ă  proportion Ă©gale, avec les EuropĂ©ens algĂ©riens », c’est-Ă -dire six dĂ©putĂ©s et trois sĂ©nateurs pour 5 millions d’habitants » ; la suppression du rĂ©gime de l’indigĂ©nat ; l’égalitĂ© devant le service militaire ; la libre accession Ă  tous les grades civils sic et militaires ». Il demandait aussi la libertĂ© de presse et d’enseignement, l’application au culte musulman de la loi sur la sĂ©paration des Eglises et de l’Etat, l’application aux indigĂšnes des lois sociales » et la libertĂ© absolue pour les ouvriers indigĂšnes de se rendre en France. De ce programme, L’HumanitĂ© disait qu’il visait essentiellement ces droits que la bourgeoisie considĂšre comme les plus belles et les plus glorieuses conquĂȘtes de la dĂ©mocratie ». Certains thĂšmes qui seront plus tard fort utilisĂ©s par les nationalistes algĂ©riens apparaissent, pour la premiĂšre fois publiquement, dans la bouche de KhĂąled l’idĂ©alisation du passĂ© de l’AlgĂ©rie avant l’occupation française » les centaines de millions de francs des biens habous » — les 300 000 Ă©lĂšves indigĂšnes des Ă©coles coraniques d’avant la conquĂȘte » et la dĂ©nonciation de l’accroissement du paupĂ©risme » liĂ© aux spoliations coloniales. 2-2 Le renouveau islamique Le rĂ©formisme algĂ©rien se situe dans le mouvement gĂ©nĂ©ral de la renaissance musulmane de la fin du XIXe siĂšcle que l’on appelle la Nahda [32] qui correspond Ă  une ouverture au monde et le recours Ă  la raison. Il se rĂ©clame des enseignements de Rachid Rida, de Moh Abdu ou de Jamel Al Afghani caractĂ©risĂ©s par le recours Ă  la raison et le retour aux textes initiaux. Mais les rĂ©formistes algĂ©riens vivent au contact de la culture française et se rĂ©clament des grands principes rĂ©publicains et notamment ceux de la devise de la RĂ©publique. Les questions qui fĂąchent sont les suivantes Les rĂ©formistes sont admiratifs des progrĂšs scientifiques et techniques de l’Occident mais se mĂ©fient de ses mƓurs ;Ils considĂšrent l’occident comme responsable du laxisme qui gagne la jeunesse algĂ©rienne et se mĂ©fient de l’école française qui scolarise les Ă©lites » algĂ©riennes. Cheikh Ben Badis 1889-1940 De la culture française, les rĂ©formistes musulmans ne semblent vouloir admettre que l’enseignement scientifique, les techniques et la pensĂ©e des meilleurs philosophes Rousseau Politiquement, ils se montrent modĂ©rĂ©s. Je suis satisfait des rĂ©formes promises par le gouvernement Blum-Viollette, en attendant que le suffrage universel soit rĂ©alisĂ© pour tous, permettant l’intĂ©gration pure et simple de la collectivitĂ© musulmane dans la grande famille française » [33] Deux Ă©vĂ©nements marquent les pays coloniaux et le Maghreb en particulier la rĂ©volution turque et la rĂ©volution bolchĂ©vique. La premiĂšre est symbolisĂ©e notamment par le refus de Mustapha Kemal d’accepter le rĂšglement imposĂ© par les grandes puissances et la seconde semble marquer un dĂ©but d’un processus d’émancipation des peuples orientaux avec notamment la question du communisme musulman ». Le mouvement rĂ©volutionnaire algĂ©rien va ĂȘtre profondĂ©ment marquĂ© par cette influence et ce contexte. Dans ses mĂ©moires, Messali Hadj insista sur l’importance de la rĂ©volution turque Dans tous les foyers, on ne parle que des succĂšs remportĂ©s par les Turcs contre les Grecs. Les gens portaient dans leur portefeuille la photographie des hĂ©ros turcs, Mustapha Kemal et Ismet Pacha. Des voyageurs venus de Tunis racontaient que, lĂ -bas, on avait promenĂ© dans la rue l’effigie de Mustapha Kemal tandis que la population l’arrosait de parfums et lui envoyait des fleurs » [34]. Octave Depont, cadre important du gouvernement gĂ©nĂ©ral, expert » de la situation algĂ©rienne, va beaucoup insister sur les liens entre communisme et indigĂšnes algĂ©riens ». Bonaparte avait ses mameluks, les sultans ont encore des gardes noires. Et voici la garde berbĂšre des futures armĂ©es rouges qui s’avance parmi les oriflammes de LĂ©nine au transfert des cendres de JaurĂšs, et qui s’offre comme un bouclier protecteur aux entrepreneurs du Grand Soir » [35]. 2-3 La transition Ferhat Abbas Ferhat Abbas qui fut un homme de l’entre deux » illustre de maniĂšre presque pure l’analyse et le positionnement d’un produit de l’école française. Ferhat Abbas Ferhat Abbas est probablement celui qui est allĂ© le plus loin dans une tentative de synthĂšse entre l’attachement aux valeurs de l’arabitĂ© et de l’Islam et les valeurs rĂ©publicaines au centre desquelles se trouvent la libertĂ© individuelle, les libertĂ©s collectives et l’indĂ©pendance. C’est quelqu’un qui, par sa formation initiale – Ă©cole française, Ă©tudes de pharmacie – et son positionnement politique est en mesure d’exprimer prĂ©cisĂ©ment les Ă©volutions de sa pensĂ©e. Il va le faire dans un livre bilan qu’il Ă©crit en 1962 alors qu’il est retirĂ© des affaires. Dans La nuit coloniale » publiĂ© en 1962 il revisite l’histoire de l’AlgĂ©rie et va longuement dĂ©velopper les rĂ©fĂ©rences Ă  la RĂ©volution Française. Il existait pourtant une analogie fondamentaliste entre les courants d’idĂ©es qui animaient les peuples europĂ©ens aprĂšs les guerres napolĂ©oniennes et les aspirations nationales des peuples africains, aprĂšs les deux derniĂšres guerres. Avec cette diffĂ©rence qu’entre temps, la France avait changĂ© de position ». Pour Ferhat Abbas, le scĂ©nario français pouvait s’appliquer Ă  la situation de l’AlgĂ©rie. Et nos soldats fellahs se mirent Ă  espĂ©rer beaucoup de la solidaritĂ© du peuple français. Ceux qui avaient pu aller Ă  l’école partageaient cette espĂ©rance. Nos livres reprĂ©sentaient la France comme le symbole de la LibertĂ©. A l’école, on oubliait les blessures de la rue et la misĂšre des douars, pour chevaucher avec les rĂ©volutionnaires français et les soldats de l’An II, les grandes routes de l’Histoire
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] Les enseignants, dans une grande proportion, Ă©taient des RĂ©publicains, fonciĂšrement dĂ©mocrates
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] Personnellement, je me suis mis Ă  penser que l’AlgĂ©rien Ă©tait Ă  la veille de 1789. Nos paysans Ă©taient semblables aux paysans français dĂ©crits par La BruyĂšre. L’EuropĂ©en entourĂ©s de ses mandarins arabes caĂŻds, bachagas et marabouts Ă©tait le fĂ©odal. La France Ă©tait le Roy ». P 114. Les thĂšmes de la pĂ©riode fondatrice que reprĂ©sente pour des milliers de jeunes AlgĂ©riens le passage par l’école de la caserne et de l’usine », c’est-Ă -dire l’engagement dans la premiĂšre mondiale et dans l’immigration vont ĂȘtre repris et proclamĂ©s par le mouvement National. 2-4 Les avant-gardes et les masses l’importance de l’immigration A l’origine de l’immigration, on trouve bien entendu des considĂ©rations Ă©conomiques » qui jouent un rĂŽle trĂšs important mais il ne faut pas ignorer d’autres motivations parfaitement exprimĂ©s pat ailleurs par quelqu’un comme Messali Hadj. Emergence de l’articulation dĂ©couverte de l’universel » - la dĂ©couverte du travail industriel le contact avec d’autres rĂ©alitĂ©s culturelles et sociales. De ce fait, le migrant n’est plus le paysan algĂ©rien ». Il est devenu l’Maigri dĂ©crit et analysĂ© pat Abdelmalek Sayad. Parmi ces nombreux migrants 140 000 au lendemain de la PremiĂšre guerre Mondiale, certains vont ĂȘtre en contact direct avec les organisations politiques et syndicales de la mĂ©tropole et le communisme va jouer un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans les annĂ©es de l’aprĂšs-guerre. Ces militants vont trouver le chemin de 89 par 17. Messali Hadj’Messali Hadj, le ZaĂŻm — 1789 Ă  la lumiĂšre de l’Islam » Messali Hadj, le fondateur du nationalisme rĂ©volutionnaire illustre cette attitude et ces migrants rencontrent le militantisme politique via le syndicalisme rĂ©volutionnaire la CGTU et le communisme CrĂ©ation en 1922 du journal Le Paria » organe de l’Union Intercoloniale ; L’Etoile Nord-Africaine, 1926. Les travailleurs algĂ©riens ont tirĂ© de la manifestation du 14 juillet un certain nombre d’enseignements. Ils ont compris que si les travailleurs français eux-mĂȘmes ont Ă©tĂ© obligĂ©s de descendre dans la rue, d’occuper des usines, des magasins et manifester par dizaines de milliers dans les artĂšres de la capitale française pour obtenir une certaine amĂ©lioration de leur niveau de vie, il leur faudrait eux-mĂȘmes plus d’efforts, plus de souffrances et de rĂ©sistances pour acquĂ©rir leur droit Ă  la vie » [36]. Au contact des militants français, les AlgĂ©riens vont adhĂ©rer, participer aux actes rituels de la Gauche rĂ©publicaine et rĂ©volutionnaire, que ce soit au cours des annĂ©es vingt, trente. Cette tradition est vivifiĂ©e par les contacts Ă©troits avec une partie de la direction de l’Etoile puis du PPA avec l’extrĂȘme-gauche non communiste. 2-5 Un exemple d’influence de l’école française le groupe de Ben Aknoun Kateb Yacine L’aprĂšs-guerre est marquĂ© par un ralliement de couches sociales de plus en diversifiĂ©es autour du nationalisme rĂ©volutionnaire et de ses analyses. Un aspect notable rĂ©side dans l’adhĂ©sion de jeunes intellectuels » issus d’une Ă©cole française qui s’ouvre enfin aux couches moyennes algĂ©riennes au PPA comme par exemple le poĂšte Kateb Yacine. Une Ă©tude rĂ©cente d’Ali Guenoun [37] dĂ©cortique le groupe du lycĂ©e de Ben Aknoun ». Elle nous renseigne trĂšs prĂ©cisĂ©ment sur ces nouveaux profils [38]. Partant d’une Ă©tude de la crise berbĂ©riste de 1949, il Ă©tudie la composition d’un groupe de lycĂ©ens originaires de familles moyennes de Haute Kabylie ; ils ont Ă©tĂ© trĂšs tĂŽt mĂȘlĂ©s Ă  la vie du Parti et exerceront par la suite des responsabilitĂ©s importantes au sein du FLN, le plus connu Ă©tant celui d’Hocine AĂŻt Ahmed. Ces lycĂ©ens opĂšrent une synthĂšse entre la tradition religieuse certains appartiennent Ă  des familles maraboutiques, la culture française littĂ©raire philosophique et l’ouverture au monde. Tout cela s’articule avec l’expĂ©rience et le souvenir de mai 1945. Ils vont tout naturellement s’orienter vers la lutte armĂ©e en s’inspirant des expĂ©riences chinoise et vietnamienne. Le recours Ă  la langue française et aux concepts qu’elle vĂ©hicule est dĂ©fendu est illustrĂ© par la fameuse dĂ©claration de Kateb Yacine qui considĂšre la langue française comme un butin de guerre » qu’il faut retourner contre l’oppresseur. Ces lycĂ©ens qui vont devenir ensuite des cadres importants du FLN ont assimilĂ© les rĂ©fĂ©rences rĂ©volutionnaires. Un rapport rĂ©digĂ© en 1948 par l’un des plus connus d’entre eux, Hocine AĂŻt Ahmed, alors chef de l’OS, affirme la nĂ©cessitĂ© de recourir Ă  l’action militaire contre le colonisateur en ayant recours Ă  la guerre populaire thĂ©orisĂ© par Clausewitz et Engels tout [39] en s’inspirant de la stratĂ©gie de l’IRA, de Ho Chi Minh et de Mao TsĂ© Toung sans oublier les nombreuses rĂ©voltes qui scandent le territoire algĂ©rien depuis Jugurtha. Ce faisant, il attaque avec virulence la direction du PPA et surtout le mouvement communiste Hocine AĂŻt Ahmed, le thĂ©oricien de la guerre rĂ©volutionnaire 1926-2015 conception de dernier cri, il faudrait et il suffirait d’organiser autour du Palais Carnot des manifestations populaires gigantesques pour obliger l’AssemblĂ©e algĂ©rienne pour proclamer la Constituante. Un 89 algĂ©rien ? Avec prise de Barberousse et serment du jeu de paume [
] La considĂ©ration qui saute aux yeux est que la RĂ©volution française est un phĂ©nomĂšne intĂ©rieur, un phĂ©nomĂšne français
 elle oppose des classes sociales [
] Engels souligne en substance que la tactique est fonction de la technique ; elle est commandĂ©e par le niveau de l’armement [
] Les effets extraordinaires de la RĂ©volution française [
] l’extraordinaire bouleversement de l’art de la guerre qui rendit inefficace une bonne partie des mĂ©thodes de guerre des meilleures armĂ©es, proviennent de l’extraordinaire bouleversement de l’art de la guerre qui rendit inefficace une bonne partie des mĂ©thodes de guerre des meilleures armĂ©es, et de toute Ă©vidence moins des mĂ©thodes nouvelles introduites par les Français dans la conduite de la guerre que des changements dans le caractĂšre du gouvernement et dans la condition du peuple
 » 2-6 La rĂ©fĂ©rence Ă  la France de 1789 pendant la guerre d’indĂ©pendance Pendant la guerre d’indĂ©pendance, l’ensemble de ces diffĂ©rentes sensibilitĂ©s vont se rejoindre dans la dĂ©nonciation d’une RĂ©publique qui viole les principes qu’elle a voulu affirmer Ă  la face du monde en pratiquant une guerre qui s’oppose Ă  l’émancipation d’un peuple. Alors que jusqu’en 1950, le discours rĂ©formiste et le discours rĂ©volutionnaire mettent face Ă  face deux France, la France dĂ©mocratique et humaniste qui s’oppose Ă  la France coloniale, il n’en est plus rien Ă  partir de 1956. Les rĂ©fĂ©rences du cĂŽtĂ© du FLN Ce qu’il faut, c’est la RĂ©volution Ă  1789... Notre combat est lĂ©gitime. Il entre dans la pure tradition de la France rĂ©volutionnaire » RĂ©sistance algĂ©rienne », 20-31 mai 1957. El Moudjahid, 1er novembre 1958 DĂ©claration de Krim Belkacem La RĂ©volution devient ainsi le creuset ou les hommes de toutes conditions, paysans, artisans, ouvriers, intellectuels, riches ou pauvres, subissent un brassage tel qu’un type d’homme nouveau naitra de cette rĂ©volution ». El Moudjahid, 1er novembre 1961 appel aux dĂ©mocrates français ! » Depuis sept ans, la sale guerre d’AlgĂ©rie corrompt toutes les valeurs de libertĂ© et d’humanisme que votre pays avait jadis proposĂ© au monde. Voyez ce qu’est devenu Paris, qui fut la capitale du droit d’asile. Combattez la rĂ©pression colonialiste et faites que Paris ne devienne pas la capitale du racisme. Hommes de gauche ! Observez comment au nom de la rĂ©pression du juste combat d’un peuple pour sa libertĂ©, les rĂšgles, les mƓurs et traditions d’honneur de votre pays se dĂ©gradent Ă  mesure que la rĂ©pression se dĂ©veloppe et que la guerre se poursuit ». Depuis sept ans, la sale guerre d’AlgĂ©rie corrompt toutes les valeurs de libertĂ© et d’humanisme que votre pays avait jadis proposĂ©es au monde » Cette rĂ©fĂ©rence est particuliĂšrement rĂ©currente dans les textes et les prises de position des Ă©tudiants algĂ©riens en France puis en Belgique. Nous dissocions culture française et rĂ©gime colonialiste, et cela justement parce que nous voulons maintenir dans leur puretĂ© certaines traditions trĂšs françaises l’esprit jacobin », la constante dĂ©mocratie française, le sentiment rĂ©publicain français. Nous restons fidĂšles Ă  cet esprit qui justement avait triomphĂ© lors de la dĂ©claration des droits de l’homme » [40] Je t’avoue que j’arrive de moins en moins Ă  dissocier la France rĂ©elle de la France lĂ©gale. Je cherche la France que j’ai apprise sur les bancs de l’école, et je ne la trouve que chez quelques Français qui prĂ©cisĂ©ment rougissent d’ĂȘtre Français lorsqu’il est question de la guerre d’AlgĂ©rie. C’est Ă  ces Français, c’est Ă  ces quelques amis que j’ai pensĂ© en ce 14 juillet » A. Taleb, 1966 [41] Les rĂ©fĂ©rences du cĂŽtĂ© messaliste Les revendications du Parti du Peuple AlgĂ©rien Mouvement pour le triomphe des LibertĂ©s DĂ©mocratiques, 1951 Les rĂ©fĂ©rences explicites Ă  la RĂ©volution de 1789 Ă  travers la prise de la Bastille enrichies par celles Ă  la Commune de Paris, Ă  la rĂ©volution d’octobre et au Front populaire demeureront constantes dans le discours messaliste allant de pair avec une hostilitĂ© grandissante Ă  l’égard de l’Union SoviĂ©tique et du PCF qui, dĂšs les 1957 soutiennent le FLN. En contact Ă©troit avec certains secteurs de l’extrĂȘme-gauche non communiste, trotskistes lambertistes et anarchistes, Messali continue d’user de ce registre chaque fois qu’il le peut. Il dĂ©veloppera notamment le thĂšme de l’assemblĂ©e constituante algĂ©rienne qui, dans son esprit, doit rĂ©unir les diffĂ©rentes communautĂ©s d’AlgĂ©rie mais il s’éloignera de la rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©volution bolchĂ©vique. Du cĂŽtĂ© syndical USTA, les rĂ©fĂ©rences au mouvement ouvrier international furent encore plus explicites soutenues par des minoritĂ©s des grandes fĂ©dĂ©rations françaises, Force ouvriĂšre et la FĂ©dĂ©ration de l’Education Nationale. CONCLUSION Contrairement Ă  certaines assertions, les concepts et les valeurs dĂ©mocratiques forgĂ©es au XVIIIe siĂšcle par les intellectuels occidentaux ont rencontrĂ© un Ă©cho considĂ©rable dans le monde arabo-musulman oĂč beaucoup, de toutes conditions sociales, s’en sont emparĂ©s en fonction du degrĂ© de connaissances de chacun et les ont retravaillĂ©s. Que ce soit les jurisconsultes, les cadres politiques et administratifs de cette Ă©norme entitĂ© qu’était l’Empire ottoman, chacun a puisĂ© son inspiration dans les Ă©crits des philosophes en essayant de les interprĂ©ter et de les articuler et/ou de les lĂ©gitimer Ă  la lumiĂšre de la tradition musulmane. Ainsi, la bibliothĂšque personnelle du Ghazi lors de son dĂ©cĂšs comportait un exemplaire du contrat social annotĂ© de sa main. Cette recherche de la synthĂšse ou de la meilleure articulation possible constitue l’élĂ©ment commun Ă  toutes les dĂ©marches mises en Ɠuvre aprĂšs le choc de l’expĂ©dition d’Égypte. À de rares exceptions prĂšs, l’ensemble des penseurs et des acteurs tentent de construire une articulation rationnelle entre concepts politiques hĂ©ritĂ©s des LumiĂšres – au sens large et pour une large part Marx relĂšve des LumiĂšres – et le corpus musulman. Que ce soit au XIXe siĂšcle et au XXe siĂšcle, l’obstacle principal se situe au niveau du religieux. C’est ce qui achoppe trĂšs vite entre nationalistes algĂ©riens et parti communiste, l’Etoile Nord-Africaine s’autonomisant aussi et surtout sur cette question. Et les thĂ©oriciens du communisme musulman » – sultan Galiev [42] – en dĂ©pit de tous leurs efforts ne rĂ©ussissent pas Ă  surmonter cet obstacle. La vision commune des nationalistes algĂ©riens est que 1789 constitue une Ă©tape sur une histoire humaine linĂ©aire de l’émancipation des hommes et que ces Ă©vĂ©nements constituent une rupture historique dont il faut absolument s’emparer mais qu’on ne peut pas transposer telle quelle. Les officiers kemalistes considĂ©raient qu’ils iraient plus loin que les rĂ©volutionnaires français et que leur tĂąche est en devenir. Le mĂȘme schĂ©ma Ă©tait mis en Ɠuvre pour analyser la nature de la rĂ©volution bolchevique Ces thĂ©matiques vont ressurgir avec force lors du mouvement dit du printemps arabe » au cours duquel, des secteurs entiers de population se sont rĂ©clamĂ©es de ces principes. De mĂȘme, les manifestants d’AlgĂ©rie brandissent actuellement la revendication d’une AssemblĂ©e constituante », mot d’ordre central du PPA puis des messalistes. LA DISCUSSION Question 1 L’auditrice demande au confĂ©rencier des prĂ©cisions quant Ă  la scolarisation des enfants Arabes dans l’AlgĂ©rie coloniale. Jean-RenĂ© Genty prĂ©cise les contradictions entre les discours coloniaux et la rĂ©alitĂ© sur le terrain, en particulier l’absence de services publics, les conditions de vie des familles et la grande misĂšre matĂ©rielle des conditions de scolarisation. Il explique le fonctionnement de deux systĂšmes scolaires parallĂšles l’école pour les IndigĂšnes et l’école française. Les programmes y sont diffĂ©rents. Il existe parallĂšlement une Ă©cole coranique pour les enfants musulmans. Il souligne l’engagement militant de certains enseignants français dont on trouve trace dans les mĂ©moires des Ă©lites du mouvement nationaliste. A titre d’exemple, il tĂ©moigne de l’engagement de certains inspecteurs d’acadĂ©mie ou de directeurs d’école normale qui chercheront Ă  rassembler la formation des maĂźtres des deux Ă©coles et l’application des mĂȘmes programmes. Les programmes d’histoire sont ceux de la 3e rĂ©publique pour l’école des colons. Il explique Ă©galement la mĂ©fiance des familles vis-Ă -vis de l’école coloniale dans laquelle les discriminations et le mĂ©pris racial existent. Question 2 L’auditeur interroge sur la persistance ou le rapport Ă  Robespierre. Robespierre n’est pas rĂ©fĂ©rencĂ© dans le monde Arabo musulman, bien que Rousseau soit une rĂ©fĂ©rence constante. Deux hypothĂšses sont avancĂ©es dans le dĂ©bat. Il est clair que les rĂ©fĂ©rences Ă  la rĂ©volution française chez les leaders algĂ©riens vont se transmettre par l’école et l’acculturation. Dans l’historiographie de la troisiĂšme RĂ©publique Robespierre n’y apparaĂźt que sous l’angle de sa lĂ©gende noire ». Ainsi, dans l’imaginaire de la rĂ©volution deux Ă©vĂšnements sont valorisĂ©s la constitution, et Valmy. La terreur n’y apparaĂźt pas. Une autre hypothĂšse est avancĂ©e. 89 et Valmy sont des Ă©vĂšnements-rĂ©fĂ©rences positifs et pouvant servir le militantisme anticolonial La France des Droits de l’Homme et celle de la victoire des sans-culottes. Robespierre assimilĂ© Ă  la Terreur et Ă  Thermidor en symbolise alors par opposition l’échec. Cet apparente contradiction interroge, d’autant plus que la politique de Robespierre, s’inspire de la philosophie de Rousseau dont le confĂ©rencier a montrĂ© l’importance auprĂšs de Ă©lites religieuses intĂ©ressĂ©es par la place que le philosophe accorde Ă  la Nature. Ainsi, la position de Robespierre sur son rapport Ă  la justice et Ă  l’égalitĂ© sociale, aux droits, en particulier celui de la libertĂ© des cultes et Ă  la Nature et l’existence d’un Être SuprĂȘme s’inscrit dans cette culture rousseauiste. Question 3 Les solidaritĂ©s Cette intervention est davantage le tĂ©moignage personnel de l’engagement des militants progressistes Ă  favoriser la scolarisation et le soutien aux guerres d’indĂ©pendance. Le confĂ©rencier rappelle Ă  ce titre l’engagement de la sociologue Germaine Tillon et les contradictions qu’il contenait. Documents Proclamation aux Ă©gyptiens du gĂ©nĂ©ral Bonaparte 1798 Dieu, de qui tout dĂ©pend, a dit le rĂšgne des Mameluks est terminĂ©. On vous dira que je viens dĂ©truire la religion de l’islamisme ; rĂ©pondez que j’aime le ProphĂšte et le Coran, que je viens pour vous restituez vos droits. Nous avons dans tous les siĂšcles Ă©tĂ© les amis du grand sultan. Trois fois heureux ceux qui se dĂ©clareront pour nous ! Heureux ceux qui resteront neutres ! Malheur aux insensĂ©s qui s’armeront contre nous ! Ils pĂ©riront ! ». Extrait du discours de Wilson reprenant les quatorze points Des traitĂ©s de paix ouverts, auxquels on a librement abouti, aprĂšs lesquels il n’y aura ni action ou dĂ©cision internationale privĂ©e d’aucune nature, mais une diplomatie franche et transparente » Une absolue libertĂ© de navigation sur les mers, en dehors des eaux territoriales, en temps de paix, aussi bien qu’en temps de guerre, sauf si les mers doivent ĂȘtre en partie ou totalement fermĂ©es afin de permettre l’application d’alliances internationales. » Le retrait, autant que possible, de toutes les barriĂšres Ă©conomiques, et l’établissement d’une Ă©galitĂ© des conditions de commerce parmi toutes les nations dĂ©sirant la paix et s’associant pour la maintenir. » Des garanties adĂ©quates Ă  donner et Ă  prendre afin que les armements nationaux soient rĂ©duits au plus petit point possible compatible avec la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure. » Un ajustement libre, ouvert, absolument impartial de tous les territoires coloniaux, se basant sur le principe qu’en dĂ©terminant toutes les questions au sujet de la souverainetĂ©, les intĂ©rĂȘts des populations concernĂ©es soient autant pris en compte que les revendications Ă©quitables du gouvernement dont le titre est Ă  dĂ©terminer. » L’évacuation de tout le territoire russe et rĂšglement de toutes questions concernant la Russie de sorte Ă  assurer la meilleure et plus libre coopĂ©ration des autres nations du monde en vue de donner Ă  la Russie toute latitude sans entrave ni obstacle, de dĂ©cider, en pleine indĂ©pendance, de son propre dĂ©veloppement politique et de son organisation nationale ; pour lui assurer un sincĂšre et bienveillant accueil dans la SociĂ©tĂ© des Nations libres, avec des institutions de son propre choix, et mĂȘme plus qu’un accueil, l’aide de toute sorte dont elle pourra avoir besoin et qu’elle pourra souhaiter. Le traitement qui sera accordĂ© Ă  la Russie par ses nations sƓurs dans les mois Ă  venir sera la pierre de touche de leur bonne volontĂ©, de leur comprĂ©hension des besoins de la Russie, abstraction faite de leurs propres intĂ©rĂȘts, enfin, de leur sympathie intelligente et gĂ©nĂ©reuse. » La Belgique, et le monde entier agrĂ©era, doit ĂȘtre Ă©vacuĂ©e et restaurĂ©e, sans aucune tentative de limiter sa souverainetĂ© dont elle jouit communĂ©ment aux autres nations libres. Nul autre acte ne servira comme celui-ci Ă  rĂ©tablir la confiance parmi les nations dans les lois qu’elles ont Ă©tabli et dĂ©terminĂ© elles-mĂȘmes pour le gouvernement de leurs relations avec les autres. Sans cet acte curateur, l’entiĂšre structure et la validitĂ© de la loi internationale est Ă  jamais amputĂ©e. » Tous les territoires français devraient ĂȘtre libĂ©rĂ©s, les portions envahies rendues, et les torts causĂ©s Ă  la France par la Prusse en 1871, concernant l’Alsace-Lorraine, qui a perturbĂ© la paix mondiale pendant prĂšs de 50 ans, devraient ĂȘtre corrigĂ©s, de telle sorte que la paix soit de nouveau Ă©tablie dans l’intĂ©rĂȘt de tous. » Un rĂ©ajustement des frontiĂšres d’Italie devrait ĂȘtre effectuĂ© le long de lignes nationales clairement reconnaissables. » Aux peuples d’Autriche-Hongrie, dont nous dĂ©sirons voir sauvegarder et assurer la place parmi les nations, devra ĂȘtre accordĂ©e au plus tĂŽt la possibilitĂ© d’un dĂ©veloppement autonome. » La Roumanie, la Serbie et le MontĂ©nĂ©gro devraient ĂȘtre Ă©vacuĂ©s ; les territoires occupĂ©s devraient ĂȘtre restituĂ©s ; Ă  la Serbie devrait ĂȘtre assurĂ© un accĂšs Ă  la mer libre et sĂ»r ; les relations des États des Balkans entre eux devraient ĂȘtre dĂ©terminĂ©s par une entente amicale le long de lignes historiquement Ă©tablies d’allĂ©geance et de nationalitĂ© ; des garanties internationales quant Ă  l’indĂ©pendance politique et Ă©conomique, et l’intĂ©gritĂ© territoriale des États des Balkans devrait Ă©galement ĂȘtre introduites. » Aux rĂ©gions turques de l’Empire ottoman actuel devraient ĂȘtre assurĂ©es la souverainetĂ© et la sĂ©curitĂ© ; mais aux autres nations qui sont maintenant sous la domination turque on devrait garantir une sĂ©curitĂ© absolue de vie et la pleine possibilitĂ© de se dĂ©velopper d’une façon autonome ; quant aux Dardanelles, elles devraient rester ouvertes en permanence, afin de permettre le libre passage aux vaisseaux et au commerce de toutes les nations, sous garantie internationale. » Un État polonais indĂ©pendant devrait ĂȘtre créé, qui inclurait les territoires habitĂ©s par des populations indiscutablement polonaises, auxquelles on devrait assurer un libre accĂšs Ă  la mer, et dont l’indĂ©pendance politique et Ă©conomique ainsi que l’intĂ©gritĂ© territoriale devraient ĂȘtre garanties par un accord international. » Une association gĂ©nĂ©rale des nations doit ĂȘtre constituĂ©e sous des alliances spĂ©cifiques ayant pour objet d’offrir des garanties mutuelles d’indĂ©pendance politique et d’intĂ©gritĂ© territoriale aux petits comme aux grands États. watan = patrie = pays peuple – citoyen On sait que l’idĂ©e de citoyennetĂ© est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e, en Europe, comme hĂ©ritĂ©e de la citĂ© grecque polis, Ă  l’origine de l’invention de la politique », comme gouvernement de la citĂ©. Les mots citĂ© », et citoyen », renvoient au latin civitas, qui reprend le sens du grec polis, et qui dĂ©signe une communautĂ© d’hommes libres regroupĂ©s dans et autour de l’espace de la ville. [...] Il faut toutefois attendre la Renaissance, puis les siĂšcles des LumiĂšres et la RĂ©volution française, pour que l’idĂ©e de citoyen soit redĂ©couverte et la citoyennetĂ© rĂ©inventĂ©e, dans le contexte de l’autonomisation croissante des villes puis du renversement du pouvoir fĂ©odal. [...] Dans le monde arabe et musulman du 19e siĂšcle, les penseurs de la Nahda [43], intriguĂ©s par ce qu’ils observent dans la sociĂ©tĂ© europĂ©enne, et prĂ©occupĂ©s par ce qui leur apparaĂźt comme un dĂ©clin des sociĂ©tĂ©s musulmanes, en particulier au sein de l’empire ottoman, dĂ©veloppent Ă  leur tour une rĂ©flexion sur l’idĂ©e de citoyennetĂ©, en s’inspirant de la pensĂ©e occidentale des LumiĂšres, tout en l’inscrivant dans le contexte de leurs sociĂ©tĂ©s, avec les mots de la langue arabe. [
] C’est chez Rifaa al-TahtawĂź rĂ©formateur Ă©gyptien que l’on trouve les premiers Ă©crits discutant des notions de citoyen » et de citoyennetĂ© », telle qu’il les a rencontrĂ©es Ă  Paris, dans la France postrĂ©volutionnaire, oĂč le citoyen est indissociable de l’idĂ©e de la patrie. [
] La premiĂšre difficultĂ© sur laquelle j’ai buttĂ© est la traduction de madĂźna, utilisĂ©e par l’auteur pour parler de la citĂ© » au sens de lieu du politique, mais aussi de la ville, comme fait le problĂšme le plus dĂ©licat, on le devine, est posĂ© par la constellation des dĂ©rivĂ©s du mot watan watanĂź, wataniyya, muwĂątin, etc. et du vocabulaire du nationalisme d’un cĂŽtĂ© qawm, qawmĂź, umma, de la civilitĂ© de l’autre madĂźna, madanü
. Le mot watan n’avait pas autrefois le sens de patrie » qu’il a pris aujourd’hui, mais simplement de pays natal, oĂč l’individu a ses racines, auquel il est attachĂ© sentimentalement. [
] En tout Ă©tat de cause, il est clair que la racine watan, qui donnera le mot muwĂątin, aujourd’hui habituellement utilisĂ© dans le sens de citoyen », donne Ă  l’idĂ©e de citoyennetĂ© une dimension patriotique, une rĂ©fĂ©rence Ă  l’idĂ©e nationale, qui Ă©tait sans doute prĂ©sente dans la France rĂ©volutionnaire, mais qui ne l’est plus, aujourd’hui. Lorsque Wajih Kawtharani professeur de sciences politiques libanais insiste sur l’importance de la question dĂ©mocratique » dans le cadre d’une nĂ©cessaire refondation des sociĂ©tĂ©s politiques arabes, il appuie celle-ci sur l’association de l’idĂ©e de citĂ© madĂźna et de celle de patrie watan, et sur la double dimension civile madaniy et patriotique wataniy de la citoyennetĂ© muwĂątana. Élisabeth Longuenesse, Traduire la citoyennetĂ© », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire Ă  l’Institut français du Proche-Orient 21 septembre 2012. [En ligne] La controverse Renan/Afghani analysĂ©e par Henry Laurens, professeur au collĂšge de France Renan est Ă  la fois trĂšs respectueux des gens de religion mais trĂšs hostile Ă  ce qui est religieux, au sens oĂč il y voit le danger du fanatisme, de l’interdiction de la pensĂ©e libre
 selon lui, l’Islam ne serait que la version exacerbĂ©e de toute tendance religieuse Ă  s’opposer Ă  la pensĂ©e libre ». La rĂ©ponse d’Afghani est qu’il ne faut pas sacrifier les musulmans Ă  cette vision des choses et que toute religion est hostile Ă  la libre pensĂ©e. Afghani, en revanche, Ă©tait plutĂŽt un rĂ©formateur de l’Islam, qui se revendiquait des rĂ©formateurs europĂ©ens. Ses modĂšles sont plutĂŽt Calvin et Luther ». Campus LumiĂšres de l’Islam » Ferhat Abbas Personnellement, je me suis mis Ă  penser que l’AlgĂ©rien Ă©tait Ă  la veille de 1789. Nos paysans Ă©taient semblables aux paysans français dĂ©crits par La BruyĂšre. L’EuropĂ©en entourĂ©s de ses mandarins arabes caĂŻds, bachagas et marabouts Ă©tait le fĂ©odal. La France Ă©tait le Roy ». Ferhat Abbas, La Nuit coloniale p 114. Colonel cr Cherif Cadi Mes congĂ©nĂšres ont versĂ© sans compter leur sang sur tous les champs de bataille de l’immense front
Je suis en droit de demander Ă  nos parlementaires de supprimer les injustices flagrantes dans leur traitement
C’est un devoir pour les dirigeants français d’exiger l’égalitĂ© de traitement dans l’impĂŽt du sang et dans la maniĂšre de rendre la justice. En accordant au peuple musulman algĂ©rien les rĂ©formes qu’il demande
le gouvernement assurera notre entrĂ©e rĂ©elle dans la grande famille française ce qui est le rĂŽle civilisateur de notre mĂšre patrie ». Messali Hadj L’Ɠuvre de Jean-Jacques Rousseau m’a marquĂ© jusqu’à Ă©crire mes MĂ©moires, aprĂšs avoir longtemps Ă©tĂ© indĂ©cis. A l’époque, il m’avait Ă©clairĂ© sur les problĂšmes de la libertĂ©, de la dĂ©mocratie, de la justice. Ne peut-on pas dire, en exagĂ©rant Ă  peine, que Rousseau a Ă©tĂ© le pĂšre de la RĂ©volution française ? Ou du moins celui qui l’a annoncĂ© ? A dire vrai, mĂȘme si cela peut sembler Ă©trange, j’en Ă©tais justement Ă  me demander, en 1935, si je n’étais pas sur une voie rĂ©volutionnaire depuis plusieurs annĂ©es ». Messali Hadj, mĂ©moires. Bibliographie BIBLIOGRAPHIELes principaux textes philosophiques des LumiĂšres » Le XVIIIe siĂšcle est celui de la naissance et de l’épanouissement de l’économie politique. Tous ceux qui Ă©crivent Ă  ce sujet - et ils sont nombreux – s’intĂ©ressent de prĂšs Ă  la situation du monde arabo-musulman dans une perspective comparatiste. De Rousseau Ă  Voltaire en passant par les physiocrates et les premiers orientalistes, chacun propose sa thĂ©orie et son analyse. A bien des Ă©gards, ce bouillonnement d’idĂ©es peut ĂȘtre rapprochĂ© de celui que nous connaissons dans la pĂ©riode actuelle. Montesquieu Charles Louis de Secondat, baron de La BrĂšde et de, ƒuvres complĂštes, Paris, Gallimard, La PlĂ©iade, 1996. Rousseau Jean-Jacques, ƒuvres complĂštes, Paris, Gallimard, La PlĂ©iade, 1990. Voltaire François-Marie Arouet, dit, ƒuvres complĂštes Et tous les autres Condorcet, Sade, Turgot, PrĂ©vost
. et Volnay. Les textes des intellectuels arabo-musulmans Abdel Malek Anouar, La pensĂ©e politique arabe contemporaine, Paris, Editions du Seuil, 1975. Dupont Anne-Laure, Mayeur-Jaouen Catherine, Verdeil Chantal, Le Moyen Orient par les textes – XIXe-XXe siĂšcle, Paris, Armand Colin, 2016. Ernest Renan Ali Mohammad GamĂąl al-DĂźn al- AfgĂąnĂź, L’Islam et la science avec la rĂ©ponse d’al-AfghĂąnĂź, l’Archange Minotaure, collection Vers l’Orient, octobre 2005. Les Ă©crits des acteurs Abbas Ferhat, La nuit coloniale, Paris, Editions du Seuil, 1962. AĂŻt Ahmed Hocine, MĂ©moires d’un combattant., L’esprit d’indĂ©pendance, 1942-1962, Paris, Editions Messinger, 1983. Harbi Mohammed, Les archives de la rĂ©volution algĂ©rienne, Paris, Editions Jeune Afrique, 1983. Hadj Mohammed, Les mĂ©moires de Messali, Paris, Jean-Claude LattĂšs, 1982. Kateb Yacine, Nedjma, Paris, Editions du Seuil, Points, 1981. Les travaux philosophiques historiques et sociologiques Altusser Louis, Montesquieu, la politique et l’histoire, PUF, collection Quadrige, 2003. Bozarslan Hamit, Histoire de la Turquie contemporaine, Paris, Editions de La DĂ©couverte, 2016. Cadi Jean-Yves Bertrand, Cherif Cadi, serviteur de l’Islam et de la RĂ©publique, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003. Charnay Jean-Paul, Regards sur l’Islam, Freud, Marx et Ibn Khaldoun, Paris, Editions de l’Herne, 2003. Colonna Fanny, Instituteurs algĂ©riens 1883-1939, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1975. Guenoun Ali, Des intellectuels et l’idĂ©e nationale, parcours du groupe de Ben Aknoun » in Une histoire intellectuelle sociale et culturelle du politique en AlgĂ©rie et au Maghreb. Etudes offertes Ă  Omar Carlier sous la direction de Morgane Carrion et de M’Hamid Oualdi, textes inĂ©dits, Paris, Editions de la Sorbonne, 2018. 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Les sites internet Campus Les LumiĂšres de l’Islam Fondation de l’Islam de France Cours d’Henry Laurens au collĂšge de France, titulaire de la chaire histoire du Moyen orient » ; Cours d’Edhem Eldem au collĂšge de France sur l’histoire turque et ottomane. IReMMO Institut de Recherche et d’Études MĂ©diterranĂ©e Moyen-Orient . Orient XXL [1] Bibliographie Les Ă©trangers dans la rĂ©gion du Nord. RepĂšres pour une histoire rĂ©gionale de l’immigration dans le Nord-Pas-de-Calais 1950-1970 Lharmattan 2009 Le mouvement nationaliste algĂ©rien dans le nord 1947-1957 Fidaou al DjazaĂŻr Lharmattan 2008 Des AlgĂ©riens dans la RĂ©gion Du Nord De la catastrophe de CourriĂšres Ă  l’IndĂ©pendance Lharmattan 2005 L’immigration algĂ©rienne dans le Nord Pas-de-Calais 1909-1962 Lharmattan 1999 [2] Lewis Bernard, Islam, Paris, Gallimard, 2005.[3] Voir complĂ©ments en fin de texte[4] Stora Benjamin, L’effet 89 » dans les milieux immigrĂ©s algĂ©riens en France 1920-1960, Revue du monde Musulman et de la MĂ©diterranĂ©e, n° 52-53, 1989, Les Arabes, les Turcs et la RĂ©volution française ».[5] DĂ©cret CrĂ©mieux DĂ©cret no 136 B. no 8 -p. 109 - RÉPUBLIQUE FRANÇAISE No 136. - DÉCRET qui dĂ©clare citoyens français les IsraĂ©lites indigĂšnes de l’AlgĂ©rie. Du 24 Octobre 1870 le gouvernement de la dĂ©fense nationale dĂ©crĂšte Les israĂ©lites indigĂšnes des dĂ©partements de l’AlgĂ©rie sont dĂ©clarĂ©s citoyens français ; en consĂ©quence, leur statut rĂ©el et leur statut personnel seront, Ă  compter de la promulgation du prĂ©sent dĂ©cret, rĂ©glĂ©s par la loi française, tous droits acquis jusqu’à ce jour restant inviolables. Toute disposition lĂ©gislative, tout sĂ©natus-consulte, dĂ©cret, rĂšglement ou ordonnances contraires, sont abolis. Fait Ă  Tours, le 24 octobre 1870. SignĂ© CrĂ©mieux, Gambetta, Glais-Bizoin, Fourichon. » Les Musulmans sont sujets ». Ils conservent leur statut d’IndigĂšnes et ne sont pas reconnus comme citoyens. Voir Ă  ce sujet No 137. - DÉCRET sur la Naturalisation des IndigĂšnes musulmans et des Étrangers rĂ©sidant en AlgĂ©rie. du 24 octobre 1870.[6] SaĂŻd Edward, L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980.[7] Godechot Jacques, Les RĂ©volutions, Paris, Nouvelle Clio, PUF, 1966.[8] DĂ©claration unanime des treize États unis d’AmĂ©rique rĂ©unis en CongrĂšs le 4 juillet 1776[9] Deborah Cohen, MaĂźtresse de ConfĂ©rence en histoire moderne, UniversitĂ© de Rouen-Normandie. dĂ©bat dans L’HumanitĂ©[10] L’HumanitĂ©, 8 novembre 2019, quel combat des LumiĂšres pour notre temps ? », entretien entre Matrkus Rediker, StĂ©phanie Roza et Deborah Cohen.[11] la question de l’expĂ©dition d’Égypte et ses diffĂ©rentes significations a Ă©tĂ© portĂ©e Ă  l’écran par le cinĂ©aste Ă©gyptien Youssef Chahine en 1985. Le film financĂ© et tournĂ© grĂące au soutien de Jack Lang et donc prĂ©sente une version nassĂ©rienne de gauche » de cet Ă©pisode.[12] Voir note en fin de document[13] Le terme de Tanzimat rĂ©organisation » en arabe dĂ©signe le mouvement de rĂ©forme et de modernisation qui secoue l’Empire ottoman entre 1839 Ă  1878. Les Tanzimat rĂ©pondent aux prĂ©occupations grandissantes des hommes d’Etat et des intellectuels ottomans sur la survie de l’Empire, alors fortement affaibli, en proie Ă  des contestations internes, et sous pression des puissances europĂ©ennes. Ils voient dans le libĂ©ralisme, idĂ©ologie dominante dans le Vieux Continent, la solution aux maux de l’Empire. Ils entreprennent ainsi, pendant prĂšs de quarante ans, une sĂ©rie de rĂ©formes, calquĂ©es sur le modĂšle europĂ©en, qui va transformer profondĂ©ment les institutions et la sociĂ©tĂ© ottomane et aboutira Ă  la promulgation de la premiĂšre Constitution ottomane en 1876.[14] On retrouvera cet intĂ©rĂȘt chez les militants et les dirigeants algĂ©riens du XXe siĂšcle.[15] Dajamel ad-Din al Afghani, 1936-1987.[16] Mohammed Abduh, 1899-1939.[17] La franc-maçonnerie jouera un rĂŽle important parmi les Ă©lites religieuses.[18] Voir les travaux de Pierre Vermeren et notamment Maghreb, les origines de la rĂ©volution dĂ©mocratique, Paris, Hachette Pluriel, 2011.[19] Luizard Pierre-Jean, LaĂŻcitĂ© autoritaire en termes d’Islam », Fayard, Paris, 2008, p78.[20] Gellner Ernest, Les Saints de l’Atlas, Paris, BouchĂšne, 2003.[21] Le sunnisme est le principal courant religieux de l’islam reprĂ©sentant 90 % des musulmans du monde. Constituant l’un des trois grands courants de l’islam avec le chiisme et le kharidjisme, le sunnisme se distingue des autres courants de l’islam par son interprĂ©tation de la religion. Voir aussi Les AlĂ©vis 15 millions en Turquie persĂ©cutĂ©s par l’Empire Ottoman, sont trĂšs diffĂ©rents des autres musulmans. Ils ne vont pas Ă  la mosquĂ©e, ne prient pas 5 fois par jour, ne jeĂ»nent pas durant le Ramadan, boivent du vin
 Le chef spirituel des AlĂ©vis est le dede. Le lieu de culte des AlĂ©vis est le cemevi ou maison de jam, prononcer djĂšme de l’arabe jam qui signifie rassemblement, communion. Les AlĂ©vis sont trĂšs libĂ©raux. Ils sont monogames, les femmes ne portent pas le voile, les filles ont accĂšs Ă  l’éducation scolaire tout comme les garçons.[23] Hussein Mahmoud Baghat El Nadi et Adel Rifaat, Les rĂ©voltĂ©s du Nil, une autre histoire de l’Egypte, Paris, Grasset, 2018.[24] Hocine AĂŻt Ahmed, MĂ©moires d’un combattant. L’esprit d’indĂ©pendance 1942-1952, Paris, Editions Sylvie Messinger, 1983, pp 18-19.[25] Sadek Hadjeres 1923 dirigeant des scouts musulmans puis militant du PPA, il adhĂšre le parti communiste algĂ©rien en 1951. Il co-dirige pendant la guerre de LibĂ©ration les "combattants de la LibĂ©ration’ organisation armĂ©e du PCA. AprĂšs l’indĂ©pendance il fonde le Parti de l’Avant Garde Socialiste PAGS clandestin et participe Ă  l’Organisation de RĂ©sistance Populaire ORP dirigĂ©es par Mohammed Harbi. CondamnĂ© plusieurs fois Ă  mort par les islamistes, il s’exile en France oĂč il devient professeur associĂ© et chercheur Ă  Paris VIII.[26] Ecole primaire supĂ©rieure L’enseignement primaire supĂ©rieur prĂ©parait au Certificat d’études primaires supĂ©rieur4 rebaptisĂ© Brevet d’études primaires supĂ©rieures en 1917, au Brevet Ă©lĂ©mentaire BE, au concours d’entrĂ©e des Ă©coles normales primaires et au Brevet supĂ©rieur BS pour certaines Ă©coles primaires supĂ©rieures. C’est le lycĂ©e des pauvres ».[27] Gilles Manceron, Hassan Remaoun, D’une rive Ă  l’autre, la guerre d’AlgĂ©rie de la mĂ©moire Ă  l’histoire, Paris, Syros pp 112-114[28] La photo de Cherif Cadi est extraite de la sĂ©rie FrĂšres d’armes. Ils se sont battus pour la France depuis plus d’un siĂšcle » rĂ©alisĂ©e par Pascal Blanchard et Rachid bouchareb, Tessalit Productions, 2014.[29] Les familles hillaliennes » sont les descendants des tribus hillaliennes issues du Hedjaz arrivĂ©es en Afrique du Nord entre le Xe et le XIIIe siĂšcle.[30] Ageron Charles-Robert. EnquĂȘte sur les origines du nationalisme algĂ©rien. L’émir Khaled, petit-fils d’Abd El-Kader, fut-il le premier nationaliste algĂ©rien ? In Revue de l’Occident musulman et de la MĂ©diterranĂ©e, N°2, 1966. pp. ttp // Les familles chorfa » sont censĂ©es descendre du prophĂšte et de ses premiers compagnons.[32] Au XIX e siĂšcle, la Nahda en arabe Ű§Ù„Ù†Ù‡Ű¶Ű©, al-Nahឍa que l’on peut traduire par essor » ou force » est un mouvement transversal de renaissance » culturelle arabe moderne, Ă  la fois littĂ©raire, politique, culturel et religieux.[33] DĂ©claration de Ben Badis, 1936. La deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration » 89 par 17 »[34] Messali Hadj, Les mĂ©moires de Messali Hadj, Paris, JC LattĂ©s, 1982, p 113.[35] Depont Octave, L’AlgĂ©rie du centenaire. L’Ɠuvre de libĂ©ration, de conquĂȘte morale et d’évolution sociale des indigĂšnes. Les BerbĂšres en France. La reprĂ©sentation parlementaire des indigĂšnes, Paris, Recueil Sirey.[36] Journal de Messali, manuscrit p 4846 citĂ© par Benjamin Stora, article citĂ©.[37] Guenoun Ali, Des intellectuels et l’idĂ©e nationale, parcours du groupe de Ben Aknoun » in Une histoire sociale et culturelle du politique en AlgĂ©rie et au Maghreb. Etudes offertes Ă  Omar Carlier,direction Morgan Carrion et M’hamid Oualdi textes inĂ©dits, Editions de la Sorbonne, 2018.[38] Omar Oussedik alias Si Tayeb, membre du CNRA puis du GPRA, carriĂšre de diplomate,[39] Rapport d’AĂŻt Ahmed, dĂ©cembre 1948 in Harbi Mohammed, Les archives de la rĂ©volution algĂ©rienne, Paris, Editions Jeune Afrique, 1981.[40] PervillĂ© Guy, Les Ă©tudiants algĂ©riens de l’universitĂ© française, 1880-1962. Populisme et nationalisme chez les Ă©tudiants et intellectuels musulmans algĂ©riens de française, Paris, Éditions du 1984, p 274.[41] Extrait citĂ© par Benjamin Stora, article citĂ©.[42] Sultan Galiev Mirsayet Soltangaliev, 1995-1940, instituteur d’origine tatar, devient un important militant bolchevik. A partir de 1917, il exerce de fonctions importantes au commissariat aux nationalitĂ©s dirigĂ© par Joseph Staline et prĂ©side le collĂšge militaire musulman. Il participe Ă  la crĂ©ation du parti communiste musulman rapidement dissous par le pouvoir. Il rallie Ă  l’armĂ©e rouge d’importantes fractions des peuples musulmans. Sur le plan thĂ©orique, il tente avec d’autres une synthĂšse du marxisme et des concepts islamiques dans l’optique Ă  terme de laĂŻciser les populations musulmanes. Avec la mort de LĂ©nine, le temps des persĂ©cutions commence. Il est finalement fusillĂ© sur ordre de Staline en 1940.[43] La Nahda arabe Ű§Ù„Ù†Ù‡Ű¶Ű© , romanisĂ© an-nahឍa , qui signifie ’l’éveil’ ou ’la Renaissance ’, aussi appelĂ©e la renaissance arabe ou le siĂšcle des lumiĂšres, Ă©tait un mouvement culturel qui a dĂ©butĂ© Ă  la fin du 19e et au dĂ©but du 20e siĂšcle. En Égypte, ensuite dans des rĂ©gions arabophones Ă  domination ottomane, dont le Liban, la Syrie et d’autres. Il est souvent considĂ©rĂ© comme une pĂ©riode de modernisation et de rĂ©forme intellectuelles. Dans l’érudition traditionnelle, la Nahda est considĂ©rĂ©e comme liĂ©e au choc culturel provoquĂ© par l’invasion de l’Égypte par NapolĂ©on en 1798 et Ă  la volontĂ© rĂ©formiste de dirigeants ultĂ©rieurs tels que Muhammad Ali d’Égypte. Toutefois, des travaux rĂ©cents ont montrĂ© que la renaissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord Ă©tait un programme de rĂ©forme culturelle aussi ’autogĂ©nĂ©tique’ que d’inspiration occidentale, liĂ© au Tanzimat ottoman et aux changements internes de l’économie politique et des rĂ©formes communales en Égypte et en Syrie. Liban. ObservationsSur l'Ouvrage de Mme La Baronne de StaĂ«l: Ayant Pour Titre ConsidĂ©rations Sur Les Principaux ÉvĂ©nements de la RĂ©volution Française : De Bonald, Louis: Amazon.sg: Books Article publiĂ© le 11/05/2020 mis Ă  jour le 18/11/2021 histoire La RĂ©volution française est un point majeur dans l’histoire de France. Elle a amenĂ© de nombreux changements dans notre pays mais Ă©galement en Europe. Pour apprendre ou simplement se remĂ©morer les grandes Ă©tapes, nous vous rĂ©capitulons le dĂ©roulement et les principales dates de cette rĂ©volution historique. Qu’est-ce que la RĂ©volution française ? Il s’agit d’une pĂ©riode s’étendant du 5 mai 1789 au 9 novembre 1799 qui a Ă©tĂ© marquĂ©e par de profonds changements sociaux et politiques en France puis en Europe. Elle a dĂ©butĂ© sous le rĂšgne du roi Louis XVI dans un contexte de crise financiĂšre et de fortes tensions politiques, alimentĂ©es par un profond dĂ©sir de rĂ©forme chez le peuple français pour un État plus efficace et un systĂšme monarchique amĂ©liorĂ©. Cette rĂ©volution s’est manifestĂ©e par des Ă©pisodes de violence envers le pouvoir en place et Ă©galement entre groupes rĂ©volutionnaires rivaux. Les dates Ă  retenir de la RĂ©volution française 5 mai 1789 Ouverture des États gĂ©nĂ©raux Ă  Versailles l’assemblĂ©e des trois ordres clergĂ©, noblesse, tiers Ă©tat commence Ă  se rĂ©unir Ă  la demande du roi Louis XVI pour trouver une solution au dĂ©ficit budgĂ©taire. 20 juin 1789 Serment du Jeu de Paume une grande partie des dĂ©putĂ©s du tiers Ă©tat ainsi qu’une partie des dĂ©putĂ©s du clergĂ© et de la noblesse font le serment solennel de s’unir en tant qu’assemblĂ©e constituante afin de crĂ©er une Constitution. 14 juillet 1789 Prise de la Bastille des Ă©meutiers issus du peuple parisien prennent d’assaut la Bastille, Ă  l’époque forteresse royale servant de prison, crĂ©ant un mouvement rĂ©volutionnaire Ă  l’échelle de la capitale puis du pays. 4 aoĂ»t 1789 Abolition des privilĂšges et des droits fĂ©odaux l’AssemblĂ©e nationale constituante vote leur suppression pour rĂ©pondre aux insurrections qui sĂ©vissent dans les campagnes françaises. 26 aoĂ»t 1789 Adoption de la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen l’AssemblĂ©e constituante dĂ©livre la DĂ©claration, en prĂ©ambule de la future Constitution. Elle est promulguĂ©e par le roi sous la pression des Ă©meutes. 21 juin 1791 Fuite de Varennes Louis XVI et sa famille sont arrĂȘtĂ©s alors qu’ils tentent de se rendre dans un bastion royaliste de la Meuse pour enclencher une contre-rĂ©volution. 17 juillet 1791 Fusillade du Champ-de-Mars une fusillade orchestrĂ©e par la garde nationale Ă©clate lors d’un rassemblement populaire visant Ă  signer une pĂ©tition pour obtenir la destitution du roi et la proclamation d’une rĂ©publique. L’évĂšnement engendre une rupture idĂ©ologique dans la classe politique monarchie constitutionnelle club des Feuillants / dĂ©mocratie club des Jacobins. 14 septembre 1791 Naissance de la monarchie constitutionnelle Louis XVI accepte de prĂȘter serment Ă  la toute premiĂšre Constitution. 10 aoĂ»t 1792 Prise des Tuileries une nouvelle insurrection prend d’assaut le Palais des Tuileries oĂč siĂšge le pouvoir exĂ©cutif. C’est lors de cette journĂ©e qu’est créé un chant de marche par les fĂ©dĂ©rĂ©s marseillais, qui sera appelĂ© "La Marseillaise". Cet Ă©vĂ©nement entraĂźne la fin de la monarchie. 21 septembre 1792 Abolition de la monarchie et naissance de la 1Ăšre RĂ©publique sous le rĂ©gime politique de la Convention nationale. 21 janvier 1793 ExĂ©cution de Louis XVI Ă  la suite de son procĂšs. Les partisans du roi, appelĂ©s les VendĂ©ens ou les contre-rĂ©volutionnaires, prennent les armes pour manifester leur mĂ©contentement. Septembre 1793 DĂ©but de la Terreur grande pĂ©riode de rĂ©pressions et de violences d’État menĂ©e par Robespierre envers tous les ennemis de la RĂ©publique en France et Ă  l’étranger. 26 juillet 1794 9 thermidor an II Fin de la Terreur Robespierre se fait arrĂȘter et est exĂ©cutĂ© avec certains de ses partisans. 26 octobre 1795 9 brumaire an IV DĂ©but du Directoire un nouveau rĂ©gime politique est instaurĂ© avec 5 chefs du gouvernement qui se partagent le pouvoir exĂ©cutif afin d’éviter toute nouvelle tyrannie. 9 novembre 1799 18 brumaire an VIII Coup d’État de NapolĂ©on Bonaparte et crĂ©ation d’un nouveau rĂ©gime politique le Consulat. Les points clĂ©s La rĂ©volution française marque la fin de la monarchie absolue et la fin de l’Ancien RĂ©gime, pour faire naĂźtre une monarchie constitutionnelle, qui sera finalement un Ă©chec et aboutira alors vers une RĂ©publique, la premiĂšre de l’histoire de France. Pendant la RĂ©volution française, la DĂ©claration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 a Ă©tĂ© créée, prĂŽnant des valeurs qui dominent encore largement la vie politique d’aujourd’hui. Les rebellions lors de la RĂ©volution française ont permis l’abolition de la sociĂ©tĂ© d’ordres privilĂšges, droits fĂ©odaux
 en France, mais pas seulement. Elles ont eu un effet boule de neige dans les autres pays d’Europe. La RĂ©volution française prend fin en mĂȘme temps que le Directoire avec le coup d’État de NapolĂ©on Bonaparte, qui instaure un nouveau rĂ©gime politique le Consulat. Cette fiche a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e par ClĂ©mence L. Les Ă©vĂ©nements de l’annĂ©e 1993 L’annĂ©e 1993 voit la disparition du bon vieux 45 tours
 mais elle sera aussi celle de la fin des travaux du tunnel sous la Manche et de la naissance de l’Union EuropĂ©enne. Voici quelques faits marquants de l’annĂ©e 1993, en France et Ă  l’étranger. Les dates clĂ©s de la conquĂȘte spatiale Les Ă©toiles sont tellement jolies vues depuis la terre que l’Homme, toujours avide de curiositĂ©, a voulu aller les voir de plus prĂšs. "Espace, frontiĂšre de l’infini
" voici les dates clĂ©s de la conquĂȘte spatiale. Les dates importantes de la vie de Louis XIV Il avait choisi le soleil pour emblĂšme et son chĂąteau de Versailles est l'un des tĂ©moignages de ses goĂ»ts fastueux. NĂ© en 1638 et mort en 1715, il devient roi de France et de Navarre alors qu'il a Ă  peine 5 ans et son rĂšgne sera le plus long de... Les dates importantes de la guerre de CorĂ©e La guerre de CorĂ©e a durĂ© 3 ans, de l'Ă©tĂ© 1950 Ă  l'Ă©tĂ© 1953. Dessinant aujourd'hui la frontiĂšre entre la CorĂ©e du Nord et la CorĂ©e du Sud, elle est l'un des premiers conflits de la Guerre Froide. Voici les dates importantes de la guerre de CorĂ©e. Les dates importantes de la vie de NapolĂ©on 1er NapolĂ©on Bonaparte est nĂ© le 15 aoĂ»t 1769 Ă  Ajaccio, et est dĂ©cĂ©dĂ© 51 ans plus tard sur l'Ăźle Sainte-HĂ©lĂšne. Personnage majeur de l'histoire de France, il deviendra Ă  35 ans le premier empereur des Français. Voici les dates importantes de la vie de NapolĂ©on Premier. Les dates importantes de la guerre de SĂ©cession La "Civil War" amĂ©ricaine, que l'on connaĂźt ici sous le nom de Guerre de SĂ©cession, a causĂ© 620 000 morts et a durĂ© 4 ans, presque jour pour jour. Pour comprendre l'origine de ce conflit majeur de l'histoire des États-Unis, voici les dates importantes de la Guerre de SĂ©cession. Les dates importantes de la guerre de Cent Ans La guerre de Cent Ans s'Ă©tend en rĂ©alitĂ© sur une pĂ©riode plus longue et alterne, entre 1337 et 1453, les combats et les trĂȘves entre les royaumes de France et d'Angleterre. Pour tout savoir sur cette pĂ©riode clĂ© du Moyen-Âge, voici les dates importantes de la Guerre de Cent Ans. Les dates importantes de la guerre d'Indochine La guerre d’Indochine est un point majeur dans l’histoire des colonies françaises. Elle est pourtant peu Ă©voquĂ©e, parfois mĂȘme ignorĂ©e. Pour apprendre ou simplement se remĂ©morer les grandes Ă©tapes, nous vous rĂ©capitulons le dĂ©roulement et les principales dates de ce conflit armĂ©. Les dates importantes de la Renaissance La Renaissance est une pĂ©riode de bouleversements scientifiques, intellectuels, politiques et artistiques en Europe, qui puise son inspiration dans l’AntiquitĂ©. Pour apprendre ou simplement se remĂ©morer les grandes dates de la Renaissance, nous vous rĂ©capitulons les points clĂ©s de cette pĂ©riode charniĂšre de l’histoire. Les dates importantes de la guerre d’AlgĂ©rie La guerre d’AlgĂ©rie est un conflit qui s’est dĂ©roulĂ© dans les annĂ©es 50 et 60 en AlgĂ©rie, colonie française Ă  l’époque, et qui a entraĂźnĂ© l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie. Pour apprendre ou se remĂ©morer les dates importantes, nous vous rĂ©capitulons le dĂ©roulement de cette guerre. ConsidĂ©rationssur les principaux Ă©vĂ©nemens de la RĂ©volution françoise. Tome 1 / ouvrage posthume de madame la baronne de StaĂ«l ; publ. par M. le duc de Broglie et M. le baron de StaĂ«l -- 1818 -- livre . Collection : Les archives de la
Fiche technique Format Broché Nb de pages 126 pages Poids 300 g Dimensions 16cm X 24cm Date de parution 01/01/1974 EAN 3600121143111

V la dĂ©claration de M. Vincent Lamanda, premier prĂ©sident de la Cour de cassation, devant la Commission des lois de l'AssemblĂ©e nationale dans le cadre des auditions sur l'Ă©valuation de la loi organique sur l'article 61-1 de la Constitution contre des mesures hĂątives qui conduiraient « vers cette Cour suprĂȘme Ă  l'amĂ©ricaine dont

CHAPITRE sur l’histoire de France. LES hommes ne savent guĂšre que l’histoire de leur temps ; et l’on dirait, en lisant les dĂ©clamations de nos jours, que les huit siĂšcles de la monarchie qui ont prĂ©cĂ©dĂ© la rĂ©volution françoise, n’ont Ă©tĂ© que des temps tranquilles, et que la nation Ă©toit alors sur des roses. On oublie les templiers brĂ»lĂ©s sous Philippe-le-Bel ; les triomphes des Anglois sous les Valois ; la guerre de la Jacquerie ; les assassinats du duc d’OrlĂ©ans et du duc de Bourgogne ; les cruautĂ©s perfides de Louis XI ; les protestans françois condamnĂ©s a d’affreux supplices sous François Ier, pendant qu’il s’allioit lui-mĂȘme aux protestans d’Allemagne ; les horreurs de la ligue surpassĂ©es toutes encore par le massacre de la Saint-BarthĂ©lemi ; les conspirations contre Henri IV, et son assassinat, Ɠuvre effroyable des ligueurs ; les Ă©chafauds arbitraires Ă©levĂ©s par le cardinal de Richelieu ; les dragonnades, la rĂ©vocation de l’édit de Nantes, l’expulsion des protestans et la guerre des CĂ©vennes, sous Louis XIV ; enfin les querelles plus douces, mais non moins importantes, des parlemens sous Louis XV. Des troubles sans fin se sont Ă©levĂ©s pour obtenir la libertĂ© telle qu’on la concevoit Ă  diffĂ©rentes pĂ©riodes, soit fĂ©odale, soit religieuse, enfin reprĂ©sentative ; et, si l’on en excepte les rĂšgnes oĂč des monarques, tels que François Ier, et surtout Louis XIV, ont eu la dangereuse habiletĂ© d’occuper les esprits par la guerre, il ne s’est pas Ă©coulĂ©, pendant l’espace de huit siĂšcles, vingt-cinq ans durant lesquels, ou les grands vassaux armĂ©s contre les rois, ou les paysans soulevĂ©s contre les seigneurs, ou les rĂ©formĂ©s se dĂ©fendant contre les catholiques, ou les parlemens se prononçant contre la cour, n’aient essayĂ© d’échapper au pouvoir arbitraire, le plus insupportable fardeau qui puisse peser sur un peuple. Les troubles civils, aussi-bien que les violences auxquelles on a eu recours pour les Ă©touffer, attestent que les François ont luttĂ© autant que les Anglais pour obtenir la libertĂ© lĂ©gale, qui seule peut faire jouir une nation du calme, de l’émulation et de la prospĂ©ritĂ©. Il importe de rĂ©pĂ©ter Ă  tous les partisans des droits qui reposent sur le passĂ©, que c’est la libertĂ© qui est ancienne, et le despotisme qui est moderne. Dans tous les Ă©tats europĂ©ens, fondĂ©s au commencement du moyen Ăąge, le pouvoir des rois a Ă©tĂ© limitĂ© par celui des nobles ; les diĂštes en Allemagne, en SuĂšde, en Danemark, avant sa charte de servitude, les parlemens en Angleterre, les cortĂšs en Espagne, les corps intermĂ©diaires de tout genre en Italie, prouvent que les peuples du Nord ont apportĂ© avec eux des institutions qui resserroient le pouvoir dans une classe, mais qui ne favorisoient en rien le despotisme. Les Francs n’ont jamais reconnu leurs chefs pour despotes. L’on ne peut nier que, sous les deux premiĂšres races, tout ce qui avoit droit de citoyen, c’est-Ă -dire, les nobles, et les nobles Ă©toient les Francs, ne participĂąt au gouvernement. Tout le monde sait, dit M. de Boulainvilliers, qui certes n’est pas philosophe, que les François Ă©toient des peuples libres qui se choisissoient des chefs sous le nom de rois, pour exĂ©cuter des lois qu’eux-mĂȘmes avoient Ă©tablies, ou pour les conduire Ă  la guerre, et qu’ils n’avoient garde de considĂ©rer les rois comme des lĂ©gislateurs qui pouvoient tout ordonner selon leur bon plaisir. Il ne reste aucune ordonnance des deux premiĂšres races de la monarchie qui ne soit caractĂ©risĂ©e du consentement des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales des champs de mars ou de mai ; et mĂȘme aucune guerre ne se faisoit alors sans leur approbation. » La troisiĂšme race des rois françois se fonda sur le rĂ©gime fĂ©odal ; les deux prĂ©cĂ©dentes tenoient de plus prĂšs Ă  la conquĂȘte. Les premiers princes de la troisiĂšme race s’intituloient Rois par la grĂące de Dieu et par le consentement du peuple ; et ensuite la formule de leur serment contenoit la promesse de conserver les lois et les droits de la nation. Les rois de France, depuis saint Louis jusqu’à Louis XI, ne se sont point arrogĂ© le droit de faire des lois sans le consentement des Ă©tats gĂ©nĂ©raux. Mais les querelles des trois ordres, qui ne purent jamais s’accorder, les obligĂšrent Ă  recourir aux rois comme mĂ©diateurs ; et les ministres se sont servis habilement de cette nĂ©cessitĂ©, ou pour ne pas convoquer les Ă©tats gĂ©nĂ©raux, ou pour les rendre inutiles. Lorsque les Anglais entrĂšrent en France, Édouard III dit, dans sa proclamation, qu’il venoit rendre aux François leurs droits qu’on leur avoit ĂŽtĂ©s. Les quatre meilleurs rois de France, saint Louis, Charles V, Louis XII, et surtout Henri IV, chacun suivant les idĂ©es de son siĂšcle, ont voulu fonder l’empire des lois. Les croisades ont empĂȘchĂ© Saint Louis de consacrer tout son temps au bien du royaume. Les guerres contre les Anglais et la captivitĂ© de Jean-le-Bon, ont absorbĂ© d’avance les ressources que prĂ©paroit la sagesse de son fils Charles V. La malheureuse expĂ©dition d’Italie, mal commencĂ©e par Charles VIII, mal continuĂ©e par Louis XII, a privĂ© la France d’une partie des biens que ce dernier lui destinoit ; et les ligueurs, les atroces ligueurs, Ă©trangers et fanatiques, ont arrachĂ© au monde le roi, l’homme le meilleur, et le prince le plus grand et le plus Ă©clairĂ© que la France ait produit, Henri IV. NĂ©anmoins malgrĂ© les obstacles singuliers qui ont arrĂȘtĂ© la marche de ces quatre souverains, supĂ©rieurs de beaucoup Ă  tous les autres, ils se sont occupĂ©s, pendant leur rĂšgne, Ă  reconnoĂźtre des droits qui limitoient les leurs. Saint-Louis continua les affranchissemens des communes, commencĂ©s par Louis-le-Gros ; il fit des rĂšglemens pour assurer l’indĂ©pendance et la rĂ©gularitĂ© de la justice ; et, chose remarquable, lorsqu’il fut choisi par les barons anglais pour arbitre entre eux et leur monarque Henri III, il blĂąma les barons rebelles, mais il fut d’avis que Henri III devoit ĂȘtre fidĂšle Ă  la charte qu’il avoit jurĂ©e. Celui qui resta prisonnier en Afrique, pour ne pas manquer Ă  ses sermens, pouvoit-il Ă©noncer une autre opinion ? J’aimerois mieux, disoit-il, qu’un Ă©tranger de l’extrĂ©mitĂ© de l’Europe, qu’un Écossais vĂźnt gouverner la France, plutĂŽt que mon fils, s’il ne devoit pas ĂȘtre sage et juste. » Charles V, pendant qu’il n’étoit que rĂ©gent, convoqua les Ă©tats gĂ©nĂ©raux de 1355, les plus remarquables de l’histoire de France, par les rĂ©clamations qu’ils firent en faveur de la nation. Ce mĂȘme Charles V, devenu roi, assembla les Ă©tats gĂ©nĂ©raux en 1369, afin d’en obtenir l’impĂŽt des gabelles, alors Ă©tabli pour la premiĂšre fois ; il permit aux bourgeois de Paris d’acheter des fiefs ; mais, comme les Ă©trangers occupoient alors une partie du royaume, l’on peut aisĂ©ment concevoir que le premier intĂ©rĂȘt d’un roi de France Ă©toit de les repousser et cette cruelle situation fut cause que Charles V se permit d’exiger quelques impĂŽts sans le consentement de la nation. Mais, en mourant, il dĂ©clara qu’il s’en repentoit, et reconnut qu’il n’en avoit pas eu le droit. Les troubles intĂ©rieurs, combinĂ©s avec les invasions des Anglais, rendirent pendant long-temps la marche du gouvernement trĂšs-difficile. Charles VII Ă©tablit le premier les troupes de ligne ; funeste Ă©poque dans l’histoire des nations ! Louis XI, dont le nom suffit, comme celui de NĂ©ron ou de TibĂšre, essaya de s’arroger le pouvoir absolu. Il fit quelques pas dans la route que le cardinal de Richelieu a si bien suivie depuis ; mais il rencontra dans les parlemens une grande opposition. En gĂ©nĂ©ral, ces corps ont donnĂ© de la consistance aux lois en France, et il n’est presque pas une de leurs remontrances oĂč ils ne rappellent aux rois leurs engagemens envers la nation. Ce mĂȘme Louis XI Ă©toit encore bien loin cependant de se croire un roi sans limites ; et, dans l’instruction qu’il laissa en mourant Ă  son fils Charles VIII. il lui dit Quand les rois ou les princes n’ont regard Ă  la loi, en ce faisant, ils font leur peuple serf, et perdent le nom de roi ; car nul ne doit ĂȘtre appelĂ© roi fors celui qui rĂšgne et seigneurie sur les Francs. Les Francs de nature aiment leur seigneur ; mais les serfs naturellement haĂŻssent comme les esclaves leurs maĂźtres. » Tant il est vrai que, par testament du moins, les tyrans mĂȘmes ne peuvent s’empĂȘcher de blĂąmer le despotisme ! Louis XII, surnommĂ© le PĂšre du peuple, soumit Ă  la dĂ©cision des Ă©tats gĂ©nĂ©raux le mariage du comte d’AngoulĂȘme, depuis François Ier, avec sa fille Claude, et le choix de ce prince pour successeur. La continuation de la guerre d’Italie Ă©toit impolitique ; mais, comme Louis XII diminua les impĂŽts par l’ordre qu’il mit dans les finances, et qu’il vendit ses propres domaines pour subvenir aux dĂ©penses de l’état, le peuple ressentit moins sous lui, qu’il n’auroit fait sous tout autre monarque, les inconvĂ©niens de cette expĂ©dition. Dans le concile de Tours, le clergĂ© de France, d’aprĂšs les dĂ©sirs de Louis XII, dĂ©clara qu’il ne devoit point une obĂ©issance implicite au pape. Lorsque des comĂ©diens s’avisĂšrent de reprĂ©senter une piĂšce pour se moquer de la respectable avarice du roi, il ne souffrit pas qu’on les punĂźt, et dit ces paroles remarquables Ils peuvent nous apprendre des vĂ©ritĂ©s utiles. Laissons-les se divertir, pourvu qu’ils respectent l’honneur des dames. Je ne suis pas fĂąchĂ© que l’on sache que, sous mon rĂšgne, on a pris cette libertĂ© impunĂ©ment. » La libertĂ© de la presse n’étoit-elle pas tout entiĂšre dans ces paroles ? Car alors la publicitĂ© du théùtre Ă©toit bien plus grande que celle des livres. Jamais un monarque vraiment vertueux ne s’est trouvĂ© en possession de la puissance souveraine, sans avoir dĂ©sirĂ© de modĂ©rer sa propre autoritĂ©, au lieu d’empiĂ©ter sur les droits des peuples ; les rois Ă©clairĂ©s veulent limiter le pouvoir de leurs ministres et de leurs successeurs. Un esprit de lumiĂšre se fait toujours sentir suivant la nature des temps, dans tous les hommes d’état de premier rang, ou par leur raison, ou par leur Ăąme. Les premiers jours du seiziĂšme siĂšcle virent naĂźtre la rĂ©forme religieuse dans les Ă©tats les plus Ă©clairĂ©s de l’Europe en Allemagne, en Angleterre, bientĂŽt aprĂšs en France. Loin de se dissimuler que la libertĂ© de conscience tient de prĂšs Ă  la libertĂ© politique, il me semble que les protestans doivent se vanter de cette analogie. Ils ont toujours Ă©tĂ© et seront toujours des amis de la libertĂ© ; l’esprit d’examen en matiĂšre de religion, conduit nĂ©cessairement au gouvernement reprĂ©sentatif, en fait d’institutions politiques. La proscription de la raison sert Ă  tous les despotismes, et seconde toutes les hypocrisies La France fut sur le point d’adopter la rĂ©formation Ă  la mĂȘme Ă©poque oĂč elle se consolida, en Angleterre ; les plus grands seigneurs de l’état, CondĂ©, Coligny, Rohan, LesdiguiĂšres professĂšrent la foi Ă©vangĂ©lique. Les Espagnols, guidĂ©s par l’infernal gĂ©nie de Philippe II, soutinrent la Ligue en France, conjointement avec Catherine de MĂ©dicis. Une femme de son caractĂšre devoit souhaiter le pouvoir sans bornes, et Philippe II vouloit faire de sa fille une reine de France, au prĂ©judice de Henri IV. On voit que le despotisme ne respecte pas toujours la lĂ©gitimitĂ©. Les parlemens ont refusĂ© cent Ă©dits royaux de 1562 Ă  1589. NĂ©anmoins, le chancelier de l’HĂŽpital trouva plus d’appui pour la tolĂ©rance religieuse dans les Ă©tats gĂ©nĂ©raux qu’il put rassembler, que dans le parlement. Ce corps de magistrature, trĂšs-bon pour maintenir les anciennes lois, comme sont tous les corps, ne participoit pas aux lumiĂšres du temps. Des dĂ©putĂ©s Ă©lus par la nation peuvent seuls s’associer Ă  ses besoins et Ă  ses dĂ©sirs, selon chaque Ă©poque. Henri IV fut long-temps le chef des rĂ©formĂ©s ; mais il se vit enfin forcĂ© de cĂ©der Ă  l’opinion dominante, bien qu’elle fĂ»t celle de ses adversaires. Toutefois il montra tant de sagesse et de magnanimitĂ© pendant son rĂšgne, que le souvenir de ce peu d’annĂ©es est plus rĂ©cent encore pour les cƓurs françois, que celui mĂȘme des deux siĂšcles qui se sont Ă©coulĂ©s depuis. L’édit de Nantes, publiĂ© en 1598, fondoit la tolĂ©rance religieuse pour laquelle on n’a point encore cessĂ© de lutter. Cet Ă©dit opposoit une barriĂšre au despotisme ; car, quand le gouvernement est obligĂ© de tenir la balance Ă©gale entre deux partis opposĂ©s, c’est un exercice continuel de raison et de justice. D’ailleurs, comment un homme tel que Henri IV eĂ»t-il dĂ©sirĂ© le pouvoir absolu ? C’étoit contre la tyrannie de MĂ©dicis et des Guise qu’il s’étoit armĂ© ; il avoit combattu pour en dĂ©livrer la France, et sa gĂ©nĂ©reuse nature lui inspiroit bien plus le besoin de l’admiration libre, que de l’obĂ©issance servile. Sully mettoit dans les finances du royaume un ordre qui auroit pu rendre l’autoritĂ© royale tout-Ă -fait indĂ©pendante des peuples ; mais Henri IV ne faisoit point ce coupable usage d’une vertu, l’économie il convoqua donc l’assemblĂ©e des notables Ă  Rouen, et voulut qu’elle fĂ»t librement Ă©lue, sans que l’influence du souverain eĂ»t part au choix de ses membres. Les troubles civils Ă©toient encore bien rĂ©cens, et l’on auroit pu se servir de ce prĂ©texte pour remettre tous les pouvoirs entre les mains du souverain ; mais c’est dans la vraie libertĂ© que se trouve le remĂšde le plus efficace contre l’anarchie. Chacun sait par cƓur les belles paroles de Henri IV Ă  l’ouverture de l’assemblĂ©e. La conduite du roi fut d’accord avec son langage il se soumit aux demandes de l’assemblĂ©e, bien qu’elles fussent assez impĂ©rieuses, parce qu’il avait promis d’obtempĂ©rer aux dĂ©sirs des dĂ©lĂ©guĂ©s du peuple. Enfin, le mĂȘme respect pour la publication de la vĂ©ritĂ© qu’avoit montrĂ© Louis XII, se trouve dans les discours que Henri IV tint Ă  son historien Matthieu contre la flatterie. À l’époque oĂč vivoit Henri IV, les esprits n’étoient tournĂ©s que vers la libertĂ© religieuse ; il crut l’assurer par l’édit de Nantes mais, comme il en Ă©toit seul l’auteur, un autre roi put dĂ©faire son ouvrage. Chose Ă©tonnante ! Grotius prĂ©dit sous Louis XIII, dans un de ses Ă©crits, que l’édit de Nantes Ă©tant une concession et non pas un pacte rĂ©ciproque, un des successeurs de Henri IV pourroit changer ce qu’il avoit Ă©tabli. Si ce grand monarque avoit vĂ©cu de nos jours, il n’auroit pas voulu que le bien qu’il faisoit Ă  la France fĂ»t prĂ©caire comme sa vie, et il auroit donnĂ© des garanties politiques Ă  cette mĂȘme tolĂ©rance, dont, aprĂšs sa mort, la France fut cruellement privĂ©e. Henri IV, peu de temps avant de mourir, conçut, dit-on, la grande idĂ©e d’établir l’indĂ©pendance des divers Ă©tats de l’Europe par un congrĂšs. Mais ce qui est certain au moins, c’est que son but principal Ă©toit de soutenir le parti des protestans en Allemagne. Le fanatisme, qui le fit assassiner, ne se trompa point sur ses vĂ©ritables intentions. Ainsi pĂ©rit le souverain le plus françois qui ait rĂ©gnĂ© sur la France. Souvent nos rois ont tenu de leurs mĂšres un caractĂšre Ă©tranger ; mais Henri IV Ă©toit en tout compatriote de ses sujets. Lorsque Louis XIII hĂ©rita de sa mĂšre, italienne, une grande dissimulation, on ne reconnut plus le sang du pĂšre dans le fils. Qui pourroit croire que la marĂ©chale d’Ancre ait Ă©tĂ© brĂ»lĂ©e comme sorciĂšre, et en prĂ©sence de la mĂȘme nation qui venoit, vingt ans auparavant, d’applaudir Ă  l’édit de Nantes ? Il y a des Ă©poques oĂč le sort de l’esprit humain dĂ©pend d’un homme ; celles-lĂ  sont malheureuses, car rien de durable ne peut se faire que par l’impulsion universelle. Le cardinal de Richelieu voulut dĂ©truire l’indĂ©pendance des grands vassaux de la couronne, et, dans ce but, il attira les nobles Ă  Paris, afin de changer en courtisans les seigneurs des provinces. Louis XI avoit conçu la mĂȘme idĂ©e ; mais la capitale, Ă  cette Ă©poque, ne prĂ©sentoit aucune sĂ©duction de sociĂ©tĂ©, et la cour encore moins ; plusieurs hommes d’un rare talent et d’une grande Ăąme, d’Ossat, Mornai, Sully, s’étoient dĂ©veloppĂ©s avec Henri IV ; mais aprĂšs lui l’on ne vit bientĂŽt plus aucun de ces grands chevaliers, dont les noms sont encore comme les traditions hĂ©roĂŻques de l’histoire de France. Le despotisme du cardinal de Richelieu dĂ©truisit en entier l’originalitĂ© du caractĂšre françois, sa loyautĂ©, sa candeur, son indĂ©pendance. On a beaucoup vantĂ© le talent du prĂȘtre ministre, parce qu’il a maintenu la grandeur politique de la France, et sous ce rapport on ne sauroit lui refuser des talens supĂ©rieurs ; mais Henri IV atteignoit au mĂȘme but, en gouvernant par des principes de justice et de vĂ©ritĂ©. Le gĂ©nie se manifeste non-seulement dans le triomphe qu’on remporte, mais dans les moyens qu’on a pris pour l’obtenir. La dĂ©gradation morale, empreinte sur une nation qu’on accoutume au crime, tĂŽt ou tard doit lui nuire plus que les succĂšs ne l’ont servie. Le cardinal de Richelieu fit brĂ»ler comme sorcier un pauvre innocent curĂ©, Urbain Grandier, se prĂȘtant ainsi bassement et perfidement aux superstitions qu’il ne partageoit pas. Il fit enfermer dans sa propre maison de campagne, Ă  Ruelle, le marĂ©chal de Marillac qu’il haĂŻssoit, pour le faire condamner Ă  mort plus sĂ»rement sous ses yeux. M. de Thou porta sa tĂȘte sur un Ă©chafaud, pour n’avoir pas dĂ©noncĂ© son ami. Aucun dĂ©lit politique ne fut jugĂ© lĂ©galement sous le ministĂšre du cardinal de Richelieu, et des commissions extraordinaires furent toujours nommĂ©es pour prononcer sur le sort des victimes. Cependant, de nos jours encore, on a pu vanter un tel homme ! Il est mort Ă  la vĂ©ritĂ© dans la plĂ©nitude de sa puissance prĂ©caution bien nĂ©cessaire aux tyrans qui veulent conserver un grand nom dans l’histoire. On peut, Ă  quelques Ă©gards, considĂ©rer le cardinal de Richelieu comme un Ă©tranger en France ; sa qualitĂ© de prĂȘtre, et de prĂȘtre Ă©levĂ© en Italie, le sĂ©pare du vĂ©ritable caractĂšre françois. Son grand pouvoir n’en est que plus facile Ă  expliquer, car l’histoire fournit plusieurs exemples d’étrangers qui ont dominĂ© les François. Les individus de cette nation sont trop vifs pour s’astreindre Ă  la persĂ©vĂ©rance qu’il faut pour ĂȘtre despote ; mais celui qui a cette persĂ©vĂ©rance est trĂšs-redoutable dans un pays oĂč, la loi n’ayant jamais rĂ©gnĂ©, l’on ne juge de rien que par l’évĂ©nement. Le cardinal de Richelieu, en appelant les grands Ă  Paris, les priva de leur considĂ©ration dans les provinces, et crĂ©a cette influence de la capitale sur le reste de la France, qui n’a jamais cessĂ© depuis cet instant. Une cour a nĂ©cessairement beaucoup d’ascendant sur la ville qu’elle habite, et il est commode de gouverner l’empire Ă  l’aide d’une trĂšs-petite rĂ©union d’hommes ; je dis commode pour le despotisme. On prĂ©tend que Richelieu a prĂ©parĂ© les merveilles du siĂšcle de Louis XIV, qu’on a souvent mis en parallĂšle avec ceux de PĂ©riclĂšs et d’Auguste. Mais des Ă©poques analogues Ă  ces siĂšcles brillans se trouvent chez plusieurs nations sous diverses formes, au moment oĂč la littĂ©rature et les beaux-arts apparoissent pour la premiĂšre fois, aprĂšs de longs troubles civils ou des guerres prolongĂ©es. Les grandes phases de l’esprit humain sont bien plutĂŽt l’Ɠuvre des temps que l’Ɠuvre d’un homme ; car elles se ressemblent toutes entre elles, quelque diffĂ©rens que soient les caractĂšres des principaux chefs contemporains. AprĂšs Richelieu, sous la minoritĂ© de Louis XIV, quelques idĂ©es politiques un peu sĂ©rieuses se mĂȘlĂšrent Ă  la frivolitĂ© de l’esprit de la Fronde. Le parlement demanda qu’aucun François ne pĂ»t ĂȘtre mis en prison sans ĂȘtre traduit devant ses juges naturels. On voulut mettre aussi des bornes au pouvoir ministĂ©riel, et quelque libertĂ© auroit pu s’établir par haine contre Mazarin. Mais bientĂŽt Louis XIV dĂ©veloppa les mƓurs des cours dans toute leur dangereuse splendeur ; il flatta la fiertĂ© françoise par le succĂšs de ses armĂ©es Ă  la guerre, et sa gravitĂ© toute espagnole Ă©loigna de lui la familiaritĂ© des jugemens ; mais il fit descendre les nobles encore plus bas que sous le rĂšgne prĂ©cĂ©dent. Car, au moins Richelieu les persĂ©cutoit, ce qui leur donnoit toujours quelque considĂ©ration, tandis que sous Louis XIV ils ne pouvoient se distinguer du reste de la nation qu’en portant de plus prĂšs le joug du mĂȘme maĂźtre Le roi qui a pensĂ© que les propriĂ©tĂ©s de ses sujets lui appartenoient, et qui s’est permis tous les genres d’actes arbitraires ; enfin, le roi ose-t-on le dire, et peut-on l’oublier ! qui vint, le fouet Ă  la main, interdire comme une offense le dernier reste de l’ombre d’un droit, les remontrances du parlement, ne respectoit que lui-mĂȘme, et n’a jamais pu concevoir ce que c’étoit qu’une nation. Tous les torts qu’on a reprochĂ©s Ă  Louis XIV sont une consĂ©quence naturelle de la superstition de son pouvoir, dont on l’avoit imbu dĂšs son enfance. Comment le despotisme n’entraineroit-il pas la flatterie ? et comment la flatterie ne fausseroit-elle pas les idĂ©es de toute crĂ©ature humaine qui y est exposĂ©e ? Quel est l’homme de gĂ©nie qui se soit entendu dire la centiĂšme partie des Ă©loges prodiguĂ©s aux rois les plus mĂ©diocres ? et cependant ces rois, par cela mĂȘme qu’ils ne mĂ©ritent pas qu’on leur adresse ces Ă©loges, en sont plus facilement enivrĂ©s. Si Louis XIV fĂ»t nĂ© simple particulier, on n’auroit probablement jamais parlĂ© de lui, parce qu’il n’avoit en rien des facultĂ©s transcendantes ; mais il entendoit bien cette dignitĂ© factice qui met l’ñme des autres mal Ă  l’aise. Henri IV s’entretenoit familiĂšrement avec tous ses sujets, depuis la premiĂšre classe jusqu’à la derniĂšre ; Louis XIV a fondĂ© cette Ă©tiquette exagĂ©rĂ©e qui a privĂ© les rois de sa maison, soit en France, soit en Espagne, de toute communication franche et naturelle avec les hommes aussi ne les connut-il pas, dĂšs que les circonstances devinrent menaçantes. Un ministre Louvois l’engagea dans une guerre sanglante, pour avoir Ă©tĂ© tourmentĂ© par lui sur les fenĂȘtres d’un bĂątiment ; et, pendant soixante-huit annĂ©es de rĂšgne, Louis XIV, bien qu’il n’eĂ»t aucun talent comme gĂ©nĂ©ral, a pourtant fait cinquante-six ans la guerre. Le Palatinat a Ă©tĂ© ravagĂ© ; des exĂ©cutions atroces ont eu lieu dans la Bretagne. Le bannissement de deux cent mille François protestans, les dragonnades et la guerre des CĂ©vennes, n’égalent pas encore les horreurs rĂ©flĂ©chies qui se trouvent dans les diffĂ©rentes ordonnances rendues aprĂšs la rĂ©vocation de l’édit de Nantes, en 1685. Le code lancĂ© alors contre les religionnaires peut tout-Ă -fait se comparer aux lois de la convention contre les Ă©migrĂ©s, et porte les mĂȘmes caractĂšres. L’état civil leur Ă©toit refusĂ©, c’est-Ă -dire que leurs enfans n’étoient pas considĂ©rĂ©s comme lĂ©gitimes, jusqu’en 1787, que l’assemblĂ©e des notables a provoquĂ© la justice de Louis XVI Ă  cet Ă©gard. Non-seulement leurs biens Ă©toient confisquĂ©s, mais ils Ă©toient attribuĂ©s Ă  ceux qui les dĂ©nonçoient ; leurs enfans leur Ă©toient pris de force, pour ĂȘtre Ă©levĂ©s dans la religion catholique. Les ministres du culte, et ce qu’on appeloit les relaps, Ă©toient condamnĂ©s aux galĂšres ou Ă  la mort ; et, comme enfin on avoit dĂ©clarĂ© qu’il n’y avoit plus de protestans en France, on considĂ©roit tous ceux qui l’étoient comme relaps quand il convenoit de les traiter ainsi. Des injustices de tout genre ont signalĂ© ce rĂšgne de Louis XIV, objet de tant de madrigaux ; et personne n’a rĂ©clamĂ© contre les abus d’une autoritĂ© qui Ă©toit elle-mĂȘme un abus continuel. FĂ©nĂ©lon a seul osĂ© Ă©lever sa voix ; mais c’est assez aux yeux de la postĂ©ritĂ©. Ce roi, si scrupuleux sur les dogmes religieux, ne l’étoit guĂšre sur les bonnes mƓurs, et ce n’est qu’à l’époque de ses revers qu’il a dĂ©veloppĂ© de vĂ©ritables vertus. On ne se sent pas avec lui la moindre sympathie, jusqu’au moment oĂč il fut malheureux ; alors une grandeur native reparut dans son Ăąme. On vante les beaux Ă©difices que Louis XIV a fait Ă©lever. Mais nous savons par expĂ©rience que, dans tous les pays oĂč les dĂ©putĂ©s de la nation ne dĂ©fendent pas l’argent du peuple, il est aisĂ© d’en avoir pour toute espĂšce de dĂ©pense. Les pyramides de Memphis ont coĂ»tĂ© plus de travail que les embellissemens de Paris, et cependant les despotes d’Égypte disposoient facilement de leurs esclaves pour les bĂątir. Attribuera-t-on aussi Ă  Louis XIV les grands Ă©crivains de son temps ? Il persĂ©cuta Port-Royal dont Pascal Ă©toit le chef ; il fit mourir de chagrin Racine ; il exila FĂ©nĂ©lon ; il s’opposa constamment aux honneurs qu’on vouloit rendre Ă  La Fontaine, et ne professa de l’admiration que pour Boileau. La littĂ©rature, en l’exaltant avec excĂšs, a bien plus fait pour lui qu’il n’a fait pour elle. Quelques pensions accordĂ©es aux gens de lettres n’exerceront jamais beaucoup d’influence sur les vrais talens. Le gĂ©nie n’en veut qu’à la gloire, et la gloire ne jaillit que de l’opinion publique. La littĂ©rature n’a pas Ă©tĂ© moins brillante dans le siĂšcle suivant, quoique sa tendance fĂ»t plus philosophique ; mais cette tendance mĂȘme a commencĂ© vers la fin du rĂšgne de Louis XIV. Comme il a rĂ©gnĂ© plus de soixante ans, le siĂšcle a pris son nom ; nĂ©anmoins les pensĂ©es de ce siĂšcle ne relĂšvent point de lui ; et, si l’on en excepte Bossuet, qui, malheureusement pour nous et pour lui, asservit son gĂ©nie au despotisme et au fanatisme, presque tous les Ă©crivains du dix-septiĂšme siĂšcle firent des pas trĂšs-marquans dans la route que les Ă©crivains du dix-huitiĂšme ont depuis parcourue. FĂ©nĂ©lon, le plus respectable des hommes, sut apprĂ©cier, dans un de ses Ă©crits, la constitution anglaise, peu d’annĂ©es aprĂšs son Ă©tablissement ; et, vers la fin du rĂšgne de Louis XIV, on vit de toutes parts grandir la raison humaine. Louis XIV accrut la France par les conquĂȘtes de ses gĂ©nĂ©raux ; et, comme un certain degrĂ© d’étendue est nĂ©cessaire Ă  l’indĂ©pendance d’un Ă©tat, Ă  cet Ă©gard il mĂ©rita la reconnoissance de la nation. Mais il laissa l’intĂ©rieur du pays dans un Ă©tat de dĂ©sorganisation dont le rĂ©gent et Louis XV n’ont cessĂ© de souffrir pendant leur rĂšgne. À la mort de Henri IV, les finances et toutes les branches de l’administration Ă©toient dans l’ordre le plus parfait, et la France se maintint encore pendant plusieurs annĂ©es par la force qu’elle lui devoit. À la mort de Louis XIV les finances Ă©toient Ă©puisĂ©es Ă  un degrĂ© tel, que jusqu’à l’avĂšnement de Louis XVI on n’a pu les rĂ©tablir. Le peuple insulta le convoi funĂšbre de Louis XIV, et le parlement cassa son testament. L’excessive superstition sous laquelle il s’étoit courbĂ©, pendant les derniĂšres annĂ©es de son rĂšgne, avoit tellement fatiguĂ© les esprits, que la licence mĂȘme de la rĂ©gence fut excusĂ©e, parce qu’elle les soulageoit du poids de la cour intolĂ©rante de Louis XIV. Comparez cette mort avec celle de Henri IV. Il Ă©toit si simple bien que roi, si doux bien que guerrier, si spirituel, si gai, si sage ; il savoit si bien que se rapprocher des hommes c’est s’agrandir Ă  leurs yeux, quand on est vĂ©ritablement grand, que chaque François crut sentir au cƓur le poignard qui trancha sa belle vie. Il ne faut jamais juger les despotes par les succĂšs momentanĂ©s que la tension mĂȘme du pouvoir leur fait obtenir. C’est l’état dans lequel ils laissent le pays Ă  leur mort ou Ă  leur chute, c’est ce qui reste de leur rĂšgne aprĂšs eux, qui rĂ©vĂšle ce qu’ils ont Ă©tĂ©. L’ascendant politique des nobles et du clergĂ© a fini en France avec Louis XIV ; il ne les avoit fait servir qu’à sa puissance ; ils se sont trouvĂ©s aprĂšs lui sans liens avec la nation mĂȘme, dont l’importance s’accroissoit chaque jour. Louis XV, ou plutĂŽt ses ministres, ont eu des disputes continuelles avec les parlemens, qui se rendoient populaires en refusant les impĂŽts ; et les parlemens tenoient Ă  la classe du tiers Ă©tat, du moins en grande partie. Les Ă©crivains, qui Ă©loient pour la plupart aussi de cette classe, conquĂ©roient par leur talent la libertĂ© de la presse qu’on leur refusoit lĂ©galement. L’exemple de l’Angleterre agissoit chaque jour sur les esprits, et l’on ne concevoit pas bien pourquoi sept lieues de mer sĂ©paroient un pays oĂč la nation Ă©toit tout, d’un pays oĂč la nation n’étoit rien. L’opinion, et le crĂ©dit, qui n’est que l’opinion appliquĂ©e aux affaires de finance, devenoient chaque jour plus essentiels. Les capitalistes ont plus d’influence Ă  cet Ă©gard que les grands propriĂ©taires eux-mĂȘmes ; et les capitalistes vivent Ă  Paris, et discutent toujours librement les intĂ©rĂȘts publics qui touchent Ă  leurs calculs personnels. Le caractĂšre dĂ©bile de Louis XV, et les erreurs de tout genre que ce caractĂšre lui fit commettre, fortifiĂšrent nĂ©cessairement l’esprit de rĂ©sistance. On voyoit d’une part lord Chatham, Ă  la tĂȘte de l’Angleterre, environnĂ© de tous les grands orateurs du parlement, qui reconnoissoient volontiers sa prééminence ; et dans le mĂȘme temps, les maĂźtresses les plus subalternes du roi de France faisant nommer et renvoyer ses ministres. L’esprit public gouvernoit l’Angleterre ; les hasards et les intrigues les plus imprĂ©vues et les plus misĂ©rables disposoient du sort de la France. Cependant Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Buffon, des penseurs profonds, des Ă©crivains supĂ©rieurs, faisoient partie de cette nation ainsi gouvernĂ©e ; et comment les François n’auroient-ils pas enviĂ© l’Angleterre, puisqu’ils pouvoient se dire avec raison que c’étoit Ă  ses institutions politiques surtout qu’elle devoit ses avantages ? Car les François comptaient parmi eux autant d’hommes de gĂ©nie que leurs voisins, bien que la nature de leur gouvernement ne leur permĂźt pas d’en tirer le mĂȘme parti. Un homme d’esprit a dit avec raison que la littĂ©rature Ă©toit l’expression de la sociĂ©tĂ© ; si cela est vrai, les reproches que l’on adresse aux Ă©crivains du dix-huitiĂšme siĂšcle doivent ĂȘtre dirigĂ©s contre cette sociĂ©tĂ© mĂȘme. À cette Ă©poque, les Ă©crivains ne cherchoient pas Ă  flatter le gouvernement ; ainsi donc ils vouloient complaire Ă  l’opinion ; car il est impossible que le plus grand nombre des hommes de lettres ne suive pas une de ces deux routes ils ont trop besoin d’encouragement pour fronder Ă  la fois l’autoritĂ© et le public. La majoritĂ© des François, dans le dix-huitiĂšme siĂšcle, vouloit la suppression du rĂ©gime fĂ©odal, l’établissement des institutions anglaises, et avant tout, la tolĂ©rance religieuse. L’influence du clergĂ© sur les affaires temporelles rĂ©voltoit universellement ; et, comme le vrai sentiment religieux est ce qui Ă©loigne le plus des intrigues et du pouvoir, ou n’avoit plus aucune foi dans ceux qui se servoient de la religion pour influer sur les affaires de ce monde. Quelques Ă©crivains, et Voltaire surtout, mĂ©ritent d’ĂȘtre blĂąmĂ©s, pour n’avoir pas respectĂ© le christianisme en attaquant la superstition ; mais il ne faut pas oublier les circonstances dans lesquelles Voltaire a vĂ©cu il Ă©toit nĂ© sur la fin du siĂšcle de Louis XIV, et les atroces injustices qu’on a fait souffrir aux protestans avoient frappĂ© son imagination dĂšs son enfance. Les vieilles superstitions du cardinal de Fleury, les ridicules querelles du parlement et de l’archevĂȘque de Paris sur les billets de confession, sur les convulsionnaires, sur les jansĂ©nistes et les jĂ©suites ; tous ces dĂ©tails puĂ©rils, qui pouvoient nĂ©anmoins coĂ»ter du sang, devoient persuader Ă  Voltaire que l’intolĂ©rance religieuse Ă©toit encore Ă  redouter en France. Le procĂšs de Calas, ceux de Sirven, du chevalier de La Barre, etc., le confirmĂšrent dans cette crainte, et les lois civiles contre les protestans Ă©toient encore dans l’état de barbarie oĂč les avoit plongĂ©es la rĂ©vocation de l’édit de Nantes. Je ne prĂ©tends point par-lĂ  justifier Voltaire, ni ceux des Ă©crivains de son temps qui ont marchĂ© sur ses traces ; mais il faut avouer que les caractĂšres irritables et tous les hommes Ă  talent le sont Ă©prouvent presque toujours le besoin d’attaquer le plus fort ; c’est Ă  cela qu’on peut reconnoĂźtre l’impulsion naturelle du sang et de la verve. Nous n’avons senti, pendant la rĂ©volution, que le mal de l’incrĂ©dulitĂ©, et de l’atroce violence avec laquelle on vouloit la propager ; mais les mĂȘmes sentimens gĂ©nĂ©reux qui faisoient dĂ©tester la proscription du clergĂ©, vers la fin du dix-huitiĂšme siĂšcle, inspiroient, cinquante ans plus tĂŽt, la haine de son intolĂ©rance. Il faut juger les actions et les Ă©crits d’aprĂšs leur date. Nous traiterons ailleurs la grande question des dispositions religieuses de la nation françoise. Dans ce genre, comme en politique, ce n’est pas une nation de vingt-cinq millions d’hommes qu’on doit accuser ; car c’est, pour ainsi dire, quereller avec le genre humain. Mais il faut examiner pourquoi cette nation n’a pas Ă©tĂ© formĂ©e, selon le grĂ© de quelques-uns, par d’anciennes institutions qui ont durĂ© toutefois assez long-temps pour exercer leur influence ; il faut examiner aussi quelle est maintenant la nature des sentimens en harmonie avec le cƓur des hommes car le feu sacrĂ© n’est et ne sera jamais Ă©teint ; mais c’est au grand jour de la vĂ©ritĂ© seulement qu’il peut reparoĂźtre.
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Marx a Ă©tĂ© littĂ©ralement fascinĂ© par la RĂ©volution française. Comme pour beaucoup d’intellectuels allemands de sa gĂ©nĂ©ration, elle Ă©tait Ă  ses yeux tout simplement la rĂ©volution par excellence – plus prĂ©cisĂ©ment la rĂ©volution la plus gigantesque qu’ait connue l’histoire ». *** On sait qu’en 1844, il avait eu l’intention d’écrire un livre sur la RĂ©volution française, Ă  partir de l’histoire de la Convention. DĂšs 1843, il avait commencĂ© Ă  consulter des ouvrages, Ă  prendre des notes, Ă  dĂ©pouiller des pĂ©riodiques et des collections. Ce sont d’abord surtout des ouvrages allemands – Karl Friederich Ernst Ludwig, Wilhelm Wachsmuth – mais ensuite prĂ©dominent les livres français, notamment les mĂ©moires du conventionnel Levasseur, dont les extraits remplissent plusieurs pages du cahier de notes de Marx rĂ©digĂ© Ă  Paris en 1844. Outre ces carnets reproduits par Maximilien Rubel dans le volume III des ƒuvres dans la Pléïade, les rĂ©fĂ©rences citĂ©es dans ces articles ou ces livres surtout au cours des annĂ©es 1844-1848 tĂ©moignent de la vaste bibliographie consultĂ©e L’Histoire parlementaire de la RĂ©volution française, de Buchez et Roux, L’Histoire de la RĂ©volution française, de Louis Blanc, celles de Carlyle, Mignet, Thiers, Cabet, des textes de Camille Desmoulin, Robespierre, Saint-Just, Marat, etc. On peut trouver un relevĂ© partiel de cette bibliographie dans l’article de Jean Bruhat sur Marx et la RĂ©volution française », publiĂ© dans les Annales historiques de la RĂ©volution française », en avril-juin 1966. Le triomphe d’un nouveau systĂšme social Le projet de livre sur la Convention n’a pas abouti mais on trouve, parsemĂ©es dans ses Ă©crits tout au long de sa vie, de multiples remarques, analyses, excursions historiographiques et esquisses interprĂ©tatives sur la RĂ©volution française. Cet ensemble est loin d’ĂȘtre homogĂšne il tĂ©moigne de changements, rĂ©orientations, hĂ©sitations et parfois contradictions dans sa lecture des Ă©vĂ©nements. Mais on peut en dĂ©gager aussi quelques lignes de force qui permettent de dĂ©finir l’essence du phĂ©nomĂšne – et qui vont inspirer au cours d’un siĂšcle et demi toute l’historiographie socialiste. Cette dĂ©finition part, on le sait, d’une analyse critique des rĂ©sultats du processus rĂ©volutionnaire de ce point de vue, il s’agit pour Marx, sans l’ombre d’un doute, d’une rĂ©volution bourgeoise. Cette idĂ©e n’était pas, en elle-mĂȘme, nouvelle la nouveautĂ© de Marx a Ă©tĂ© de fusionner la critique communiste des limites de la RĂ©volution française depuis Baboeuf et Buonarroti jusqu’à Mosses Hess avec son analyse de classe par les historiens de l’époque de la Restauration Mignet, Thiers, Thierry, etc., et de situer le tout dans le cadre de l’histoire mondiale, grĂące Ă  sa mĂ©thode historique matĂ©rialiste. Il en rĂ©sulte une vision d’ensemble, vaste et cohĂ©rente, du paysage rĂ©volutionnaire français, qui fait ressortir la logique profonde des Ă©vĂ©nements au-delĂ  des multiples dĂ©tails des Ă©pisodes hĂ©roĂŻques ou crapuleux, des reculs et des avancĂ©es. Une vision critique et dĂ©mystificatrice qui dĂ©voile, derriĂšre la fumĂ©e des batailles et l’ivresse des discours, la victoire d’un intĂ©rĂȘt de classe, l’intĂ©rĂȘt de la bourgeoisie. Comme il le souligne dans un passage brillant et ironique de La Sainte-Famille 1845, qui saisit en un trait de plume le fil rouge de l’histoire la puissance de cet intĂ©rĂȘt fut telle qu’il vainquit la plume d’un Marat, la guillotine des hommes de la Terreur, le glaive de NapolĂ©on, tout comme le crucifix et le sang-bleu des Bourbons »[2]. En rĂ©alitĂ©, la victoire de cette classe fut, en mĂȘme temps, l’avĂšnement d’une nouvelle civilisation, de nouveaux rapports de production, de nouvelles valeurs – non seulement Ă©conomiques mais aussi sociales et culturelles – bref, d’un nouveau mode de vie. Ramassant en un paragraphe la signification historique des rĂ©volutions de 1848 et de 1789 mais ses remarques sont plus pertinentes pour la derniĂšre que pour la premiĂšre, Marx observe, dans un article de la Nouvelle Gazette RhĂ©nane en 1848 Elles Ă©taient le triomphe de la bourgeoisie, mais le triomphe de la bourgeoisie Ă©tait alors le triomphe d’un nouveau systĂšme social, la victoire de la propriĂ©tĂ© bourgeoise sur la propriĂ©tĂ© fĂ©odale, du sentiment national sur le provincialisme, de la concurrence sur le corporatisme, du partage sur le majorat, 
 des lumiĂšres sur la superstition, de la famille sur le nom, de l’industrie sur la paresse hĂ©roĂŻque, du droit bourgeois sur les privilĂšges moyenĂągeux. »[3] Bien entendu, cette analyse marxienne sur le caractĂšre – en derniĂšre analyse – bourgeois de la RĂ©volution française n’était pas un exercice acadĂ©mique d’historiographie elle avait un but politique prĂ©cis. Elle visait, en dĂ©mystifiant 1789, Ă  montrer la nĂ©cessitĂ© d’une nouvelle rĂ©volution, la rĂ©volution sociale – celle qu’il dĂ©signe, en 1844, comme l’émancipation humaine » en opposition Ă  l’émancipation uniquement politique et, en 1846, comme la rĂ©volution communiste. Une des caractĂ©ristiques principales qui distingueront cette nouvelle rĂ©volution de la RĂ©volution française de 1789-1794 sera, selon Marx, son antiĂ©tatisme », sa rupture avec l’appareil bureaucratique aliĂ©nĂ© de l’État. Jusqu’ici, toute les rĂ©volutions ont perfectionnĂ© cette machine au lieu de la briser. Les partis qui luttĂšrent Ă  tour de rĂŽle pour le pouvoir considĂšrent la conquĂȘte de cette immense Ă©difice D’État comme la principale proie du vainqueur ». PrĂ©sentant cette analyse dans Le Dix-Huit Brumaire, il observe – de façon analogue Ă  Tocqueville – que la RĂ©volution française n’a fait que dĂ©velopper l’Ɠuvre commencĂ©e par la monarchie absolue la centralisation, 
 l’étendue, les attributs et les exĂ©cutants du pouvoir gouvernemental. NapolĂ©on acheva de perfectionner cette machinerie d’État ». Toutefois, pendant la monarchie absolue, la rĂ©volution et le Premier Empire, cet appareil n’a Ă©tĂ© qu’un moyen de prĂ©parer la domination de classe de la bourgeoisie, qui s’exercera plus directement sous Louis-Philippe et la RĂ©publique de 1848
 Quitte Ă  faire la place Ă  nouveau, Ă  l’autonomie du politique durant le Second Empire – quand l’État semble s’ĂȘtre rendu complĂštement indĂ©pendant ». En d’autres termes l’appareil Ă©tatique sert les intĂ©rĂȘts de classe de la bourgeoisie sans ĂȘtre nĂ©cessairement sous son contrĂŽle direct. Ne pas toucher au fondement de cette machine parasitaire et aliĂ©nĂ©e est une des limitations bourgeoises les plus dĂ©cisives de la RĂ©volution française selon Marx. Comme l’on sait, cette idĂ©e esquissĂ©e en 1852 sera dĂ©veloppĂ©e en 1871 dans ses Ă©crits sur la Commune – premier exemple de rĂ©volution prolĂ©tarienne qui brise l’appareil d’État et en fini avec ce boa constrictor » qui enserre le corps social dans les mailles universelles de sa bureaucratie, de sa police, de son armĂ©e permanente ». La RĂ©volution française, par son caractĂšre bourgeois, ne pouvait pas Ă©manciper la sociĂ©tĂ© de cette excroissance parasitaire », de ce grouillement de vermine d’État », de cette Ă©norme parasite gouvernemental »[4]. Les tentatives rĂ©centes des historiens rĂ©visionnistes pour dĂ©passer » l’analyse marxienne de la RĂ©volution française aboutissent gĂ©nĂ©ralement Ă  une rĂ©gression vers des interprĂ©tations plus anciennes, libĂ©rales ou spĂ©culatives. Se confirme ainsi la remarque profonde de Sartre le marxisme est l’horizon indĂ©passable de notre Ă©poque et les tentatives pour aller au-delĂ  » de Marx finissent souvent par tomber en deçà de lui. On peut illustrer ce paradoxe par la dĂ©marche du reprĂ©sentant le plus talentueux et le plus intelligent de cette Ă©cole, François Furet, qui ne trouve pas d’autres chemins pour dĂ©passer Marx que
 le retour Ă  Hegel. Selon Furet, l’idĂ©alisme hĂ©gĂ©lien se prĂ©occupe infiniment plus des donnĂ©es concrĂštes de l’histoire de France du XVIIIe siĂšcle que le matĂ©rialisme de Marx ». Quelles sont donc ces donnĂ©es concrĂštes » infiniment plus importantes que les rapports de production et la lutte de classes ? Il s’agit du long travail de l’esprit dans l’histoire »  GrĂące Ă  lui l’esprit avec un E majuscule, nous pouvons enfin comprendre la vraie nature de la RĂ©volution française plutĂŽt que le triomphe d’une classe sociale, la bourgeoisie, elle est l’affirmation de la conscience de soi comme volontĂ© libre, coextensive avec l’universel, transparente Ă  elle-mĂȘme, rĂ©conciliĂ©e avec l’ĂȘtre ». Cette lecture hĂ©gĂ©lienne des Ă©vĂ©nements conduit Furet Ă  la curieuse conclusion que la RĂ©volution française a abouti Ă  un Ă©chec », dont il faudrait chercher la cause dans une erreur » vouloir dĂ©duire le politique du social ». Le responsable de cet Ă©chec » serait, en derniĂšre analyse
 Jean-Jacques Rousseau. L’erreur de Rousseau et de la RĂ©volution française tient dans la tentative d’affirmer l’antĂ©cĂ©dence du social sur l’État ». Hegel, en revanche, avait parfaitement compris qu’ il n’y a qu’à travers l’État, cette forme supĂ©rieure de l’histoire, que la sociĂ©tĂ© s’organise selon la raison ». C’est une interprĂ©tation possible des contradictions de la RĂ©volution française, mais est-elle vraiment infiniment plus concrĂšte » que celle esquissĂ©e par Marx ?[5] Quel fut le rĂŽle de la classe bourgeoise ? Reste Ă  savoir dans quelle mesure cette rĂ©volution bourgeoise a Ă©tĂ© effectivement menĂ©e, impulsĂ©e et dirigĂ©e par la bourgeoisie. On trouve dans certains textes de Marx de vĂ©ritables hymnes Ă  la gloire de la bourgeoisie rĂ©volutionnaire française de 1789 ; il s’agit presque toujours d’écrits qui la comparent avec son Ă©quivalent social outre-Rhin, la bourgeoisie allemande du XIXe siĂšcle. DĂšs 1844, il regrette l’inexistence en Allemagne d’une classe bourgeoise pourvue de cette grandeur d’ñme qui s’identifie, ne serait-ce qu’un moment, Ă  l’ñme du peuple, de ce gĂ©nie qui inspire Ă  la force matĂ©rielle l’enthousiasme pour la puissance politique, de cette hardiesse rĂ©volutionnaire qui lance Ă  l’adversaire en guise de dĂ©fi je ne suis rien et je devrais ĂȘtre tout ».[6] Dans ses articles Ă©crits pendant la rĂ©volution de 1848, il ne cesse de dĂ©noncer la lĂąchetĂ© » et la trahison » de la bourgeoisie allemande, en la comparant au glorieux paradigme français La bourgeoisie prussienne n’était pas la bourgeoisie française de 1789, la classe qui, face aux reprĂ©sentants de l’ancienne sociĂ©tĂ©, de la royautĂ© et de la noblesse, incarnait Ă  elle seule toute la sociĂ©tĂ© moderne. Elle Ă©tait dĂ©chue au rang d’une sorte de caste 
 encline dĂšs l’abord Ă  trahir le peuple et Ă  tenter des compromis avec le reprĂ©sentant couronnĂ© de l’ancienne sociĂ©tĂ© ».[7] Dans un autre article de la Nouvelle Gazette RhĂ©nane juillet 1848, il examine de façon plus dĂ©taillĂ©e ce contraste la bourgeoisie française de 1789 n’abandonnera pas un instant ses alliĂ©s, les paysans. Elle savait que la base de sa domination Ă©tait la dĂ©construction de la fĂ©odalitĂ© Ă  la campagne, la crĂ©ation d’une classe paysanne libre, possĂ©dant des terres. La bourgeoisie de 1848 trahit sans aucune hĂ©sitation les paysans, qui sont ses alliĂ©s les plus naturels, la chair de sa chair, et sans lesquels elle est impuissante face Ă  la noblesse ».[8] Cette cĂ©lĂ©bration des vertus rĂ©volutionnaires de la bourgeoisie française va inspirer plus tard surtout au XXe siĂšcle toute une vision linĂ©aire et mĂ©canique du progrĂšs historique chez certains courants marxistes. Nous en reparlerons plus loin. En lisant ces textes, on a parfois l’impression que Marx n’exalte autant la bourgeoisie rĂ©volutionnaire de 1789 que pour mieux stigmatiser sa misĂ©rable » contrefaçon allemande de 1848. Cette impression est confirmĂ©e par des textes quelque peu antĂ©rieurs Ă  1848, oĂč le rĂŽle de la bourgeoisie française apparaĂźt bien moins hĂ©roĂŻque. Dans L’IdĂ©ologie allemande, par exemple, il observe Ă  propos de la dĂ©cision des États GĂ©nĂ©raux de se proclamer en AssemblĂ©e souveraine L’AssemblĂ©e Nationale fut forcĂ© de faire ce pas en avant, poussĂ©e qu’elle Ă©tait par la masse innombrable qui se tenait derriĂšre elle. »[9] Et, dans un article de 1847, il affirme au sujet de l’abolition rĂ©volutionnaire des vestiges fĂ©odaux en 1789-1794 TimorĂ©e et conciliante comme elle l’est, la bourgeoisie ne fĂ»t venue Ă  bout de cette besogne mĂȘme en plusieurs dĂ©cennies. Par consĂ©quent, l’action sanglante du peuple n’a fait que lui prĂ©parer les voies. »[10] Si l’analyse marxienne du caractĂšre bourgeois de la RĂ©volution est d’une remarquable cohĂ©rence et clartĂ©, la mĂȘme chose ne peut ĂȘtre dite pour ses tentatives d’interprĂ©ter le jacobinisme, la Terreur, 1793. ConfrontĂ© au mystĂšre jacobin, Marx hĂ©site. Cette hĂ©sitation est visible dans les variations d’une pĂ©riode Ă  l’autre, d’un texte Ă  l’autre, et parfois Ă  l’intĂ©rieur d’un mĂȘme document
 Toutes les hypothĂšses qu’il avance ne sont pas du mĂȘme intĂ©rĂȘt. Certaines, assez extrĂȘmes – et d’ailleurs mutuellement contradictoires -, sont peu convaincantes. Par exemple, dans un passage de L’IdĂ©ologie allemande, il prĂ©sente la Terreur comme la mise en pratique du libĂ©ralisme Ă©nergique de la bourgeoisie » ! Or, quelques pages plus tĂŽt, Robespierre et Saint-Just sont dĂ©finis comme les authentiques reprĂ©sentants des forces rĂ©volutionnaires la masse innombrable » » [11] Cette derniĂšre hypothĂšses est encore une fois suggĂ©rĂ©e dans un passage de l’article contre Karl Heinzen, de 1847 si, comme en 1794, 
 le prolĂ©tariat renverse la domination politique de la bourgeoisie » avant que les conditions matĂ©rielles de son pouvoir ne soient donnĂ©es, sa victoire ne sera que passagĂšre » et servira, en derniĂšre analyse, Ă  la rĂ©volution bourgeoise elle-mĂȘme.[12] La formulation est indirecte et la rĂ©fĂ©rence Ă  la RĂ©volution française n’est faite qu’en passant, en vue d’un dĂ©bat politique actuel, mais il est tout de mĂȘme surprenant que Marx ait pu envisager les Ă©vĂ©nements de 1794 comme une victoire du prolĂ©tariat »  D’autres interprĂ©tations sont plus pertinentes et peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme rĂ©ciproquement complĂ©mentaires a La Terreur est un moment d’autonomisation du politique qui entre en conflit violent avec la sociĂ©tĂ© bourgeoise. Le locus classicus »de cette hypothĂšse est un passage de La Question Juive 1844 Évidement Ă  des Ă©poques oĂč l’Etat politique comme tel naĂźt violemment de la sociĂ©tĂ© bourgeoise 
 l’Etat peut et doit aller jusqu’à la suppression de la religion 
 mais uniquement comme il va jusqu’à la suppression de la propriĂ©tĂ© privĂ©e, au maximum, Ă  la confiscation, Ă  l’impĂŽt progressif, Ă  la suppression de la vie, Ă  la guillotine. 
 La vie politique cherche Ă  Ă©touffer ses conditions primordiales, la sociĂ©tĂ© bourgeoise et ses Ă©lĂ©ments pour s’ériger en vie gĂ©nĂ©rique vĂ©ritable et absolue de l’homme. Mais elle ne peut atteindre ce but qu’en se mettant en contradiction violente avec ses propres conditions d’existence, en dĂ©clarant la rĂ©volution Ă  l’état permanent ; aussi le drame politique se termine-t-il nĂ©cessairement par la restauration de tous les Ă©lĂ©ments de la sociĂ©tĂ© bourgeoise ».[13] Le jacobinisme apparaĂźt sous cet Ă©clairage comme une tentative vaine et nĂ©cessairement avortĂ©e d’affronter la sociĂ©tĂ© bourgeoise Ă  partir de l’Etat de façon strictement politique. b Les hommes de la Terreur – Robespierre, Saint-Just et leur parti »– ont Ă©tĂ© victimes d’une illusion ils ont confondu l’antique rĂ©publique romaine avec l’Etat reprĂ©sentatif moderne. Pris dans une contradiction insoluble, ils ont voulu sacrifier la sociĂ©tĂ© bourgeoise Ă  un mode antique de vie politique ». Cette idĂ©e, dĂ©veloppĂ©e dans La Sainte Famille, implique comme l’hypothĂšse antĂ©rieure, une pĂ©riode historique d’exaspĂ©ration et d’autonomisation du politique. Elle aboutit Ă  la conclusion, quelque peu surprenante, que NapolĂ©on est l’hĂ©ritier du jacobinisme il a reprĂ©sentĂ© la derniĂšre bataille du terrorisme rĂ©volutionnaire contre la sociĂ©tĂ© bourgeoise, proclamĂ©e elle aussi par la rĂ©volution, et contre sa politique ». Il est vrai qu’il n’avait rien d’un terroriste exaltĂ© » ; nĂ©anmoins, il considĂ©rait encore l’Etat comme une fin en soi, et la vie civile uniquement comme son trĂ©sorier et comme son subalterne, qui devait renoncer Ă  toute volontĂ© propre. Il accompli le terrorisme en remplaçant la rĂ©volution permanente par la guerre permanente ».[14] On retrouve cette thĂšse dans Le Dix-Huit Brumaire 1852, mais cette fois Marx insiste sur la ruse de la raison qui fait des Jacobins et de Bonaparte les accoucheurs de cette mĂȘme sociĂ©tĂ© bourgeoise qu’ils mĂ©prisaient Camille Desmoulin, Danton, Robespierre, Saint-Just, NapolĂ©on, les hĂ©ros, de mĂȘme que les partis et la masse lors de l’ancienne RĂ©volution française accomplirent dans le costume romain, et avec la phrasĂ©ologie romaine, la tĂąche de leur Ă©poque, Ă  savoir la libĂ©ration et l’instauration de la sociĂ©tĂ© bourgeoise moderne. 
 La nouvelle forme de sociĂ©tĂ© une fois Ă©tablie, disparurent les colosses antĂ©diluviens et, avec eux, la Rome ressuscitĂ©e les Brutus, les Gracchus, les Publicola, les Tribuns, les SĂ©nateurs, et CĂ©sar lui-mĂȘme. La sociĂ©tĂ© bourgeoise, dans sa sobre rĂ©alitĂ©, s’était créée ses vĂ©ritables interprĂštes et porte-parole dans la personne des Say, des Cousin, des Royer-Collard, des Benjamin Constant et des Guizot. »[15] Robespierre et NapolĂ©on, mĂȘme combat ? La formule est discutable. On la trouvait dĂ©jĂ  sous la plume des libĂ©raux tels que Madame de StaĂ«l qui dĂ©crivait Bonaparte comme un Robespierre Ă  cheval ». Chez Marx, en tout cas, elle montre le refus de toute filiation directe entre jacobinisme et socialisme. Cependant, on a l’impression qu’elle relĂšve moins d’une critique du jacobinisme comme chez Daniel GuĂ©rin un siĂšcle plus tard que d’une certaine idĂ©alisation » de l’homme du Dix-Huit Brumaire, considĂ©rĂ© par Marx – en accord avec une tradition de la gauche rhĂ©nane par exemple Heine – comme le continuateur de la RĂ©volution française. c La Terreur a Ă©tĂ© une mĂ©thode plĂ©bĂ©ienne d’en finir de façon radicale avec les vestiges fĂ©odaux et dans ce sens elle a Ă©tĂ© fonctionnelle pour l’avĂšnement de la sociĂ©tĂ© bourgeoise. Cette hypothĂšse est suggĂ©rĂ©e dans plusieurs Ă©crits, notamment l’article sur La bourgeoisie et la contre-rĂ©volution »de 1848. Analysant le comportement des couches populaires urbaines le prolĂ©tariat et les autres catĂ©gories sociales n’appartenant pas Ă  la bourgeoisie », Marx affirme MĂȘme lĂ  oĂč elles s’opposaient Ă  la bourgeoisie, comme par exemple de 1793 Ă  1794 en France, elle ne luttaient que pour faire triompher les intĂ©rĂȘts de la bourgeoisie, quand bien mĂȘme ce n’était pas Ă  sa maniĂšre. Toute la Terreur en France ne fut rien d’autre qu’une mĂ©thode plĂ©bĂ©ienne d’en finir avec les ennemis de la bourgeoisie, l’absolutisme, le fĂ©odalisme et l’esprit petit-bourgeois ».[16] L’avantage Ă©vident de cette analyse Ă©tait d’intĂ©grer les Ă©vĂ©nements de 1793-1794 dans la logique d’ensemble de la RĂ©volution française – l’avĂšnement de la sociĂ©tĂ© bourgeoise. Utilisant la mĂ©thode dialectique, Marx montre que les aspects anti-bourgeois » de la Terreur n’ont servi, en derniĂšre analyse, qu’à mieux assurer le triomphe social et politique de la bourgeoisie. Le marxisme et le jacobinisme Les trois aspects mis en Ă©vidence par ces trois lignes d’interprĂ©tation du jacobinisme – l’hypertrophie du politique en lutte contre la sociĂ©tĂ© bourgeoise, l’illusion de revenir Ă  la RĂ©publique antique et le rĂŽle d’instrument plĂ©bĂ©ien au service des intĂ©rĂȘts objectifs de la bourgeoisie – sont tout Ă  fait compatibles et permettent de saisir diffĂ©rentes facettes de la rĂ©alitĂ© historique. On est cependant frappĂ©s par deux aspects d’une part, l’importance quelque peu excessive que Marx attribue Ă  l’illusion romaine comme clĂ© explicative du comportement des Jacobins. D’autant plus qu’une des exigences du matĂ©rialisme historique est d’expliquer les idĂ©ologies et les illusions par la position et les intĂ©rĂȘts des classes sociales
 Or, il n’y a pas chez Marx ou Engels une tentative, mĂȘme approximative, de dĂ©finir la nature de classe du jacobinisme. Ce ne sont pas des analyses de classe qui manquent dans ses Ă©crits sur la RĂ©volution française le rĂŽle de l’aristocratie, du clergĂ©, de la bourgeoisie, des paysans, de la plĂšbe urbaine et mĂȘme du prolĂ©tariat » concept un peu anachronique dans la France du XVIIIe siĂšcle sont passĂ©s en revue. Mais le jacobinisme reste suspendu dans l’air, dans le ciel de la politique antique » – ou alors associĂ© de façon un peu rapide Ă  l’ensemble des couches plĂ©bĂ©iennes, non bourgeoises. Si dans les Ɠuvres sur la rĂ©volution de 1848-1852 Marx n’hĂ©site pas Ă  qualifier les hĂ©ritiers modernes de la Montagne comme dĂ©mocrates petits-bourgeois », il est trĂšs rare qu’il Ă©tende cette dĂ©finition sociale aux Jacobins de 1793. Un des seuls passages oĂč cela est suggĂ©rĂ© se trouve dans la circulaire de mars 1850 Ă  la Ligue des Communistes Tout comme lors de la premiĂšre RĂ©volution française, les petits-bourgeois donneront les terres fĂ©odales en tant que libre propriĂ©tĂ© aux paysans, c’est Ă  dire qu’ils voudront 
 favoriser une classe paysanne petite-bourgeoise qui accomplisse le mĂȘme cycle de paupĂ©risation et d’endettement dans lequel le paysan français est actuellement renfermĂ© ».[17] Mais ils ’agit Ă  nouveau d’une remarque en passant », oĂč les Jacobins ne sont mĂȘme pas explicitement dĂ©signĂ©s. C’est un fait curieux, mais il y a trĂšs peu d’élĂ©ments chez Marx ou Engels pour une analyse de classe des contradictions du jacobinisme – comme par exemple celle de Daniel GuĂ©rin, selon lequel le parti jacobin Ă©tait Ă  la fois petit-bourgeois Ă  la tĂȘte et populaire Ă  la base ».[18] En tous cas, une chose est claire 1793 n’était pas du tout, Ă  ses yeux, un paradigme pour la future rĂ©volution prolĂ©tarienne. Quelle que soit son admiration pour la grandeur historique et l’énergie rĂ©volutionnaire d’un Robespierre ou d’un Saint-Just, le jacobinisme est explicitement refusĂ© comme modĂšle ou source d’inspiration de la praxis rĂ©volutionnaire socialiste. Cela apparaĂźt dĂšs les premiers textes communistes de 1844, qui opposent l’émancipation sociale aux impasses et illusions du volontarisme politique des hommes de la Terreur. Mais c’est au cours des annĂ©es 1848-1852, dans les Ă©crits sur la France, que Marx va dĂ©noncer, avec la plus grande insistance, la superstition traditionnelle en 1793 », les pĂ©dants de la vieille tradition de 1793 », les illusions des rĂ©publicains de la tradition de 1793 », et tous ceux qui se grisent de l’opium des sentiments et des formules patriotiques de 1793 ». Raisonnement qui le conduit Ă  la cĂ©lĂšbre conclusion formulĂ©e dans Le Dix-Huit Brumaire La rĂ©volution sociale du XIXe siĂšcle ne peut pas tirer sa poĂ©sie du passĂ©, mais seulement de l’avenir. Elle ne peut pas commencer avec elle mĂȘme avant d’avoir liquidĂ© complĂštement toute superstition Ă  l’égard du passĂ© ».[19] C’est une affirmation bien discutable – la Commune de 1793 a inspirĂ©e celle de 1871 et celle-ci, Ă  son tour, a nourri Octobre 1917 -, mais elle tĂ©moigne de l’hostilitĂ© de Marx a toute rĂ©surgence du jacobinisme dans le mouvement prolĂ©tarien. Cela ne signifie nullement que Marx ne perçoit pas, au sein de la RĂ©volution française, des personnages, des groupes et des mouvements prĂ©curseurs du socialisme. Dans un passage trĂšs connu de La Sainte-Famille, il passe rapidement en revue les principaux reprĂ©sentants de cette tendance Le mouvement rĂ©volutionnaire qui commença en 1789 au cercle social, qui, au milieu de sa carriĂšre, eut pour reprĂ©sentants principaux Leclerc et Roux et finit par succomber provisoirement avec la conspiration de Babeuf, avait fait germer l’idĂ©e communiste que l’ami de Babeuf, Buonarroti rĂ©introduisit en France aprĂšs la rĂ©volution de 1830. Cette idĂ©e, dĂ©veloppĂ©e avec consĂ©quence, c’est l’idĂ©e du nouvel Ă©tat du monde ».[20] Curieusement, Marx ne semble s’intĂ©resser qu’à l’idĂ©e communiste, et ne prĂȘte pas beaucoup d’attention au mouvement social, Ă  la lutte des classes au sein du Tiers Etat. Par ailleurs, il ne s’occupera plus, dans ses Ă©crits postĂ©rieurs, de ces germes communistes » de la RĂ©volution française Ă  l’exception de Babeuf et n’essaiera jamais d’étudier les affrontements de classes entre bourgeois et bras-nus au cours de la RĂ©volution. Chez le vieux Engels en 1889, on trouve quelques rĂ©fĂ©rences rapides au conflit entre la Commune HĂ©bert, Chaumette et le ComitĂ© de Salut Public Robespierre, mais il n’est pas question du courant enragĂ© reprĂ©sentĂ© par Jacques Roux.[21] Parmi ces figures de prĂ©curseurs, Babeuf est donc le seul qui semble rĂ©ellement important aux yeux de Marx et d’Engels, qui s’en rĂ©fĂšrent Ă  plusieurs reprises. Par exemple, dans l’article contre Heinzen 1847, Marx observe La premiĂšre apparition d’un parti communiste rĂ©ellement agissant se trouve dans le cadre de la rĂ©volution bourgeoise, au moment oĂč la monarchie constitutionnelle est supprimĂ©e. Les rĂ©publicains les plus consĂ©quents, en Angleterre les Niveleurs, en France Babeuf, Buonarroti, sont les premiers Ă  avoir proclamĂ© ces questions sociales. La conspiration de Babeuf, dĂ©crite par son ami et compagnon Buonarroti, montre comment ces rĂ©publicains ont puisĂ© dans le mouvement de l’histoire l’idĂ©e qu’en Ă©liminant la question sociale de la monarchie ou de la rĂ©publique, on n’avait pas encore rĂ©solu la moindre question sociale dans le sens du prolĂ©tariat ». D’autre part, la phrase, dans le Manifeste Communiste », qui dĂ©crit les premiĂšres tentatives du prolĂ©tariat pour imposer directement son propre intĂ©rĂȘt de classe » – tentatives qui ont eu lieu dans la pĂ©riode du bouleversement de la sociĂ©tĂ© fĂ©odale -, se rĂ©fĂšre elle aussi Ă  Babeuf[22] explicitement mentionnĂ© dans ce contexte. Cet intĂ©rĂȘt est comprĂ©hensible, dans la mesure oĂč plusieurs courants communistes dans la France d’avant 1848 Ă©taient plus ou moins directement inspirĂ©s par le babouvisme. Mais la question des mouvements populaires sans-culottes » anti-bourgeois – et plus avancĂ©s que les Jacobins – des annĂ©es 1793-1794 reste peu abordĂ©e par Marx ou Engels. Une rĂ©volution permanente ? Peut-on dire dans ces conditions que Marx a perçu, dans la RĂ©volution française, non seulement la rĂ©volution bourgeoise mais aussi une dynamique de rĂ©volution permanente, en embryon de rĂ©volution prolĂ©tarienne » dĂ©bordant du cadre strictement bourgeois ? Oui et non
 Il est vrai, comme nous l’avons vu plus haut, que Marx utilise en 1843-1844 le terme rĂ©volution permanente » pour dĂ©signer la politique de la Terreur. Daniel GuĂ©rin interprĂšte cette formule comme allant dans le sens de sa propre interprĂ©tation de la RĂ©volution française Marx employa l’expression de rĂ©volution permanente Ă  propos de la RĂ©volution française. Il montra que le mouvement rĂ©volutionnaire de 1793 tenta un moment de dĂ©passer les limites de la rĂ©volution bourgeoise ».[23] Cependant, le sens de l’expression chez Marx dans La Question Juive n’est pas du tout identique Ă  celui que lui attribue GuĂ©rin la rĂ©volution permanente » ne dĂ©signe pas Ă  ce moment un mouvement social, semi-prolĂ©tarien, qui essaie de dĂ©velopper la lutte de classes contre la bourgeoisie – en dĂ©bordant le pouvoir jacobin -, mais une vaine tentative de la vie politique » incarnĂ©e par les Jacobins pour s’émanciper de la sociĂ©tĂ© civile/bourgeoise et supprimer celle-ci par la guillotine. La comparaison que Marx esquisse un an plus tard La Sainte-Famille entre Robespierre et NapolĂ©on, ce dernier Ă©tant censĂ© accomplir la Terreur en remplaçant la rĂ©volution permanente par la guerre permanente », illustre bien la distance entre cette formule et l’idĂ©e d’un germe de rĂ©volution prolĂ©tarienne. L’autre exemple que donne GuĂ©rin dans le mĂȘme paragraphe est un article de janvier 1849 oĂč Engels indique la rĂ©volution permanente » comme un des traits caractĂ©ristiques de la glorieuse annĂ©e 1793 ». Or, dans cet article, Engels mentionne comme exemple contemporain de cette rĂ©volution permanente » le soulĂšvement national/populaire hongrois de 1848 dirigĂ© par Lajos Kossuth, qui Ă©tait pour sa nation Danton et Carnot en une seule personne ». Il est Ă©vident que pour Engels ce terme Ă©tait simplement synonyme de mobilisation rĂ©volutionnaire du peuple et n’avait pas du tout le sens d’une transcroissance socialiste de la rĂ©volution.[24] Ces remarques ne visent pas Ă  critiquer Daniel GuĂ©rin mais au contraire Ă  mettre en relief la profonde originalitĂ© de sa dĂ©marche il n’a pas simplement dĂ©veloppĂ© des indications dĂ©jĂ  prĂ©sentes chez Marx et Engels, mais a formulĂ©, en utilisant la mĂ©thode marxiste, une interprĂ©tation nouvelle, qui met en Ă©vidence la dynamique permanentiste » du mouvement rĂ©volutionnaire des bras-nus en 1793-1794. Cela dit il n’y a pas de doute que l’expression rĂ©volution permanente » est Ă©troitement associĂ©e, chez Marx et Engels, aux souvenirs de la RĂ©volution française. Ce lien se situe Ă  trois niveaux -L’origine immĂ©diate de la formule renvoie probablement au fait que les clubs rĂ©volutionnaires se dĂ©claraient souvent comme assemblĂ©s en permanence ». Cette expression apparaĂźt d’ailleurs dans un des livres allemands sur la rĂ©volution que Marx avait lu en 1843-1844.[25] -L’expression implique aussi l’idĂ©e d’une avancĂ©e ininterrompue de la rĂ©volution, de la monarchie Ă  la constitutionnelle, de la rĂ©publique girondine Ă  la jacobine, etc. -Dans le contexte des articles de 1843-1844, elle suggĂšre une tendance de la rĂ©volution politique dans sa forme jacobine Ă  devenir une fin en soi et Ă  entrer en conflit avec la sociĂ©tĂ© civile/bourgeoise. En revanche, l’idĂ©e de rĂ©volution permanente au sens fort – celui du marxisme rĂ©volutionnaire du XXe siĂšcle – apparaĂźt chez Marx pour la premiĂšre fois en 1844, Ă  propos de l’Allemagne. Dans l’article Contributions Ă  la critique de la philosophie du droit de Hegel », il constate l’incapacitĂ© pour la bourgeoisie allemande de remplir son rĂŽle rĂ©volutionnaire au moment oĂč elle se met en lutte contre la royautĂ© et la noblesse, le prolĂ©taire est dĂ©jĂ  engagĂ© dans le combat contre le bourgeois. A peine la classe moyenne ose-t-elle concevoir, de son point de vue, la pensĂ©e de son Ă©mancipation, que dĂ©jĂ  l’évolution des conditions sociales et le progrĂšs de la thĂ©orie politique dĂ©clare ce point de vue pĂ©rimĂ©, ou du moins problĂ©matique ». Il s’ensuit qu’en Allemagne, ce n’est pas la rĂ©volution radicale, l’émancipation universellement humaine qui est [
] un rĂȘve utopique ; c’est bien plutĂŽt la rĂ©volution partielle, la rĂ©volution purement politique, la rĂ©volution qui laisse subsister les piliers de la maison ». En d’autres termes En France, l’émancipation partielle est le fondement de l’émancipation universelle. En Allemagne, l’émancipation universelle est la condition sine qua non de toute Ă©mancipation partielle.[26] C’est donc en opposition au modĂšle purement politique », partiel » de la RĂ©volution française que s’esquisse, dans un langage encore philosophique l’idĂ©e que la rĂ©volution socialiste devra, dans certains pays, accomplir les tĂąches historiques de la rĂ©volution dĂ©mocratique-bourgeoise. Ce n’est qu’en mars 1850, dans la circulaire Ă  la Ligue des Communistes, que Marx et Engels vont fusionner l’expression française avec l’idĂ©e allemande, la formule inspirĂ©e par la rĂ©volution de 1789-1794 avec la perspective d’une transcroissance prolĂ©tarienne de la rĂ©volution dĂ©mocratique allemande Tandis que les petits-bourgeois dĂ©mocratiques veulent terminer la rĂ©volution au plus vite 
 il est de notre intĂ©rĂȘt et de notre devoir de rendre la rĂ©volution permanente, jusqu’à ce que toute les classes plus ou moins possĂ©dantes aient Ă©tĂ© chassĂ©es du pouvoir, que le prolĂ©tariat ait conquis le pouvoir public » dans les principaux pays du monde, et concentrĂ© dans ses mains les forces productives dĂ©cisives ».[27] C’est dans ce document que l’expression rĂ©volution permanente » gagne pour la premiĂšre le sens qu’elle aura par la suite au cours du XXe siĂšcle notamment chez Trotsky. Dans sa nouvelle conception, la formule garde de son origine et du contexte historique de la RĂ©volution française surtout le deuxiĂšme aspect mentionnĂ© ci-dessus l’idĂ©e d’une progression, d’une radicalisation et d’un approfondissement ininterrompus de la rĂ©volution. On retrouve aussi l’aspect de la confrontation avec la sociĂ©tĂ© civile/bourgeoise mais contrairement au modĂšle jacobin de 1793, celle-ci n’est plus l’Ɠuvre terroriste nĂ©cessairement vouĂ©e Ă  l’échec de la sphĂšre politique en tant que telle – qui essaie en vain de s’attaquer Ă  la propriĂ©tĂ© privĂ©e par la guillotine – mais bien de l’intĂ©rieur de la sociĂ©tĂ© civile elle-mĂȘme, sous la forme de rĂ©volution sociale prolĂ©tarienne. Quel hĂ©ritage ? Quel est donc l’hĂ©ritage de la RĂ©volution française pour le marxisme du XXe siĂšcle ? Comme nous l’avons vu, Marx pensait que le prolĂ©tariat socialiste devait se dĂ©barrasser du passĂ© rĂ©volutionnaire du XVIIIe siĂšcle. La tradition rĂ©volutionnaire lui apparaĂźt comme un phĂ©nomĂšne essentiellement nĂ©gatif La tradition de toutes les gĂ©nĂ©rations mortes pĂšse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants. Et mĂȘme quand ils semblent occupĂ©s Ă  se transformer, eux et les choses, Ă  crĂ©er quelque chose de tout Ă  fait nouveau, c’est prĂ©cisĂ©ment Ă  ces Ă©poques de crises rĂ©volutionnaires qu’ils appellent craintivement les esprits du passĂ© Ă  leur rescousse, qu’ils leurs empruntent leurs noms, leurs mot d’ordres, leurs costumes. 
 Les rĂ©volutions antĂ©rieures avaient besoin de rĂ©miniscences historiques pour se dissimuler Ă  elles-mĂȘmes leur propre contenu. La rĂ©volution du XIXe siĂšcle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour rĂ©aliser son propre objet. »[28] Bien entendu, cette remarque se situe dans un contexte prĂ©cis, celui d’une polĂ©mique de Marx contre la caricature de Montagne » des annĂ©es 1848-1852, mais elle prĂ©sente aussi une visĂ©e plus gĂ©nĂ©rale. Il me semble que Marx a Ă  la fois raison et tort
 Il a raison, dans la mesure oĂč les marxistes ont souvent voulu s’inspirer, au cours du XXe siĂšcle, du paradigme de la RĂ©volution française, avec des rĂ©sultats assez nĂ©gatifs. C’est le cas, tout d’abord, du marxisme russe, dans ses deux grandes branches PlĂ©khanov et les mencheviques – qui croyaient que la bourgeoisie dĂ©mocratique russe allait jouer dans la lutte contre le tsarisme le mĂȘme rĂŽle rĂ©volutionnaire que la bourgeoisie française a jouĂ© selon Marx dans la rĂ©volution de 1789. A partir de ce moment, le concept de bourgeoisie rĂ©volutionnaire »est entrĂ© dans le vocabulaire des marxistes et est devenu un Ă©lĂ©ment clĂ© dans l’élaboration des stratĂ©gies politiques – en ignorant l’avertissement de Marx, Ă  propos de l’Allemagne mais avec des indications plus gĂ©nĂ©rales les classes bourgeoises qui arrivent trop tard qui sont dĂ©jĂ  menacĂ©es par le prolĂ©tariat ne pourront pas avoir une pratique rĂ©volutionnaire consĂ©quente. Bien entendu, grĂące au stalinisme, le dogme de la bourgeoisie dĂ©mocratique-rĂ©volutionnaire ou nationale et l’idĂ©e d’une rĂ©pĂ©tition – dans des nouvelles conditions – du paradigme de 1789 ont Ă©tĂ© une composante essentielle de l’idĂ©ologie du mouvement communiste dans les pays coloniaux, semi-coloniaux et dĂ©pendants, depuis 1926, avec des consĂ©quences nĂ©fastes pour les classes dominĂ©es. LĂ©nine et les bolcheviques qui n’avaient pas, eux, des illusions sur la bourgeoisie libĂ©rale russe, mais qui avaient pris surtout avant 1905, le jacobinisme comme modĂšle politique. Il en rĂ©sultait une conception souvent autoritaire du parti, de la rĂ©volution et du pouvoir rĂ©volutionnaire
 Rosa Luxemburg et LĂ©on Trotsky vont critiquer – notamment au cours des annĂ©es 1903-1905 – ce paradigme jacobin, en insistant sur la diffĂ©rence essentielle entre l’esprit, les mĂ©thodes, les pratiques et les formes d’organisation marxistes et celles de Robespierre et ses amis. On peut considĂ©rer L’Etat et la RĂ©volution, de LĂ©nine, comme un dĂ©passement de ce modĂšle jacobin. Traiter Staline et ses acolytes d’hĂ©ritiers du jacobinisme serait trop injuste envers les rĂ©volutionnaires de 1793, et comparer la Terreur du ComitĂ© de Salut Public avec celle du GPU des annĂ©es 1930 est une absurditĂ© historique Ă©vidente. En revanche, on peut repĂ©rer la prĂ©sence d’un Ă©lĂ©ment jacobin chez un marxiste aussi subtile et novateur qu’Antonio Gramsci. Tandis que, dans ses articles de 1919 pour Ordine Nuovo, il proclamait que le parti prolĂ©tarien ne doit pas ĂȘtre un parti qui se sert de la masse pour tenter une imitation hĂ©roĂŻque des Jacobins français », dans ses Cahiers de Prison des annĂ©es 1930, on trouve une vision assez autoritaire du parti d’avant-garde prĂ©sentĂ©e explicitement comme l’hĂ©ritier lĂ©gitime de la tradition de Machiavel et des Jacobins.[29] A un autre niveau, il me semble toutefois que Marx avait tort de nier toute valeur pour le combat socialiste Ă  la tradition rĂ©volutionnaire de 1789-1794. Sa propre pensĂ©e en est un excellent exemple l’idĂ©e mĂȘme de rĂ©volution dans ses Ă©crits et ceux d’Engels, comme mouvement insurrectionnel des classes dominĂ©es qui renverse un Etat oppresseur et un ordre social injuste, a Ă©tĂ© dans une trĂšs large mesure inspirĂ©e par cette tradition
 D’une façon plus gĂ©nĂ©rale, la grande RĂ©volution française fait partie de la mĂ©moire collective du peuple travailleur – en France, en Europe et dans le monde entier – et constitue une des sources vitales de la pensĂ©e socialiste, dans toutes ses variantes communisme et anarchisme y compris. Contrairement Ă  ce qu’avait Ă©crit Marx dans Le Dix-Huit Brumaire, sans poĂ©sie du passĂ© », il n’y a pas de rĂȘve d’avenir
 D’une certaine maniĂšre, l’hĂ©ritage de la RĂ©volution française reste encore aujourd’hui, vivant, actuel, actif. Il garde quelque chose d’inachevé  Il contient une promesse non encore accomplie. Il est le commencement d’un processus qui n’est pas encore terminĂ©. La meilleure preuve en est les tentatives rĂ©pĂ©tĂ©es et insistantes de mettre fin, une bonne fois pour toutes, officiellement et dĂ©finitivement, Ă  la RĂ©volution française. NapolĂ©on a Ă©tĂ© le premier Ă  dĂ©crĂ©ter, le Dix-Huit Brumaire, que la rĂ©volution Ă©tait finie. D’autres se sont livrĂ©s, au cours des siĂšcles, Ă  ce type d’exercices, repris aujourd’hui avec un bel aplomb par François Furet. Or, qui aurait de nos jours l’idĂ©e saugrenue de dĂ©clarer terminĂ©e » la RĂ©volution anglaise de 1648 ? Ou la RĂ©volution amĂ©ricaine de 1778 ? Ou la RĂ©volution de 1830 ? Si l’on s’acharne tellement sur celle de 1789-1794, c’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’elle est loin d’ĂȘtre terminĂ©e – c’est Ă  dire parce qu’elle continue Ă  manifester ses effets dans le champ politique et dans la vie culturelle, dans l’imaginaire social et dans les luttes idĂ©ologiques en France et ailleurs. Quels sont les aspects de cet hĂ©ritage les plus dignes d’intĂ©rĂȘts ? Quelles sont les esprits du passĂ© Marx qui mĂ©ritent d’ĂȘtre Ă©voquĂ©s deux cent ans aprĂšs ? Quels sont les Ă©lĂ©ments de la tradition rĂ©volutionnaire de 1789-1794 qui tĂ©moignent le plus profondĂ©ment de cet inachĂšvement ? On pourrait en mentionner au moins quatre, parmi les plus importants 1. La RĂ©volution française a Ă©tĂ© un moment privilĂ©giĂ© dans la constitution du peuple opprimĂ© – la masse innombrable Marx des exploitĂ©s – comme sujet historique, comme acteur de sa propre libĂ©ration. Dans ce sens, elle a Ă©tĂ© un pas gigantesque dans ce que Ernst Bloch appelle la marche debout de l’HumanitĂ© » – un processus historique qui est encore loin d’ĂȘtre achevé  Bien sĂ»r, on en trouve des prĂ©cĂ©dents dans les mouvements antĂ©rieurs la Guerre des Paysans du XVIe siĂšcle, la RĂ©volution anglaise du XVIIe siĂšcle, mais aucun n’atteint la clartĂ©, la force politique et morale, la vocation universelle et hardiesse spirituelle de la rĂ©volution de 1789-1974 – jusqu’à cette Ă©poque, la plus colossale Marx de toutes. 2. Au cours de la RĂ©volution française sont apparus des mouvements sociaux dont les aspirations dĂ©passaient les limites bourgeoises du processus initiĂ© en 1789. Les principales forces de ce mouvement – les bras-nus, les femmes rĂ©publicaines, les EnragĂ©s, les Egaux et leurs porte-paroles Jacques Roux, Leclerc, etc. – ont Ă©tĂ© vaincues, Ă©crasĂ©es, guillotinĂ©es. Leur mĂ©moire – systĂ©matiquement refoulĂ©e de l’histoire officielle – fait partie de la tradition des opprimĂ©s dont parlait Walter Benjamin, la tradition des ancĂȘtres martyrisĂ©s dont se nourrit le combat d’aujourd’hui. Les travaux de Daniel GuĂ©rin et Maurice Dommanget – deux marginaux extĂ©rieurs Ă  l’historiographie universitaire – ont sauvĂ© de l’oubli les bras-nus et les EnragĂ©s, tandis que des recherches plus rĂ©centes dĂ©couvrent peu Ă  peu toute la richesse de la moitiĂ© cachĂ©e » du peuple rĂ©volutionnaire les femmes. 3. La RĂ©volution française a fait germer les idĂ©es d’un nouvel Ă©tat du monde », les idĂ©es communistes le cercle social », Babeuf, Sylvain MarĂ©chal, François Bossel, etc. et fĂ©ministes Olympe de Gouges, ThĂ©roigne de MĂ©ricourt. L’explosion rĂ©volutionnaire a libĂ©rĂ© des rĂȘves, des images de dĂ©sir et des exigences sociales radicales. Dans ce sens aussi elle est porteuse d’un avenir qui reste ouvert et inachevĂ©. 4. Les idĂ©aux de la RĂ©volution française – LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©, les Droits de l’Homme notamment dans leur version de 1793, la souverainetĂ© du Peuple – contiennent un surplus utopique »Ernest Bloch qui dĂ©borde l’usage qu’en a fait la bourgeoisie. Leur rĂ©alisation effective exige l’abolition de l’ordre bourgeois. Comme le souligne avec une force visionnaire Ernest Bloch, libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ© font aussi partie des engagements qui ne furent pas honorĂ©s, ils ne sont donc pas encore rĂ©glĂ©s, Ă©teints ». Ils possĂšdent en eux cette promesse, et cette teneur utopique concrĂšte d’une promesse » qui ne sera rĂ©alisĂ©e que par la rĂ©volution socialiste et par la sociĂ©tĂ© sans classe. En un mot libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ© – l’orthopĂ©die telle qu’on l’a tentĂ©e, de la marche debout, de la fiertĂ© humaine – renvoie bien au-delĂ  de l’horizon bourgeois ».[30] Conclusion et morale de l’Histoire avec un H » majuscule la RĂ©volution française de 1789-1794 n’a Ă©tĂ© qu’un dĂ©but. Le combat continue
 Ce texte a Ă©tĂ© publiĂ© dans l’ouvrage collectif Permanences de la RĂ©volution, Paris, Éditions la BrĂšche, 1989. La retranscription et les intertitres ont Ă©tĂ© Ă©tablis par le site Notes [1] K. Marx, Die Deutsche Ideologie », 1846, Berlin, Dietz Verlag, 1960, p. 92. [2] K. Marx, Die Heilige Familie », 1845, Berlin, Dietz Verlag, 1953, p. 196. [3] K. Marx, La bourgeoisie et la contre-rĂ©volution », 1848, dans Marx et Engels, Sur la RĂ©volution française » SRF, Messidor, 1985, p. 121. Outre ce recueil prĂ©parĂ© pour les Editions Sociales par Claude Mainfroy, il en existe un autre, contenant uniquement les Ă©crits de Marx avec une longue introduction de F. Furet rassemblĂ©s par Lucien Calviez Marx et la RĂ©volution française » MRF, Flammarion, 1986. Les deux recueils sont incomplets. J’utilise tantĂŽt l’un, tantĂŽt l’autre, et parfois l’original allemand notamment pour les textes qui ne figurent dans aucun des recueils. [4] K. Marx, Le Dix-Huit Brumaire », citĂ© dans SRF, p. 148 ; – Id., La Guerre Civile en France » premier et second essai de rĂ©daction, citĂ© dans SRF, p. 187-192. [5] F. Furet, Marx et la RĂ©volution française », Flammarion, 1986, p. 81-84. Cf. p. 83 Mais pour affirmer l’universalitĂ© abstraite de la libertĂ©, la RĂ©volution a dĂ» procĂ©der par une scission entre sociĂ©tĂ© civile et Etat, en dĂ©duire, pour ainsi dire, le politique du social. C’est son erreur, c’est son Ă©chec, en mĂȘme temps que celui des thĂ©ories du contrat, et notamment de Rousseau. » [6] K. Marx, Introduction Ă  la Contribution Ă  la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel », 1944, NRF, p. 152. [7] K. Marx, La bourgeoisie et la contre-rĂ©volution », 1848, dans Marx et Engels, Sur la RĂ©volution française » SRF, Messidor, 1985, p. 123. [8] K. Marx, Projet de Loi sur l’abrogation des charges fĂ©odales », 1848, SRF, p. 107. [9] K. Marx, L’IdĂ©ologie allemande », citĂ© dans NRF p. 187. [10] K. Marx, La critique moralisante et la morale critique contre Karl Heinzen », NRF p. 207. [11] K. Marx, L’IdĂ©ologie allemande », citĂ© dans NRF p. 184 et 181. [12] K. Marx, La critique moralisante et la morale critique contre Karl Heinzen », SRF p. 90. [13] K. Marx, La Question Juive », 1844, Oeuvres Philosophiques, Costes, 1934, p. 180-181. Je reviendrai plus bas sur le sens qu’il faudrait attribuer Ă  l’expression rĂ©volution Ă  l’état permanent » dans ce contexte. [14] K. Marx, La Sainte-Famille », 1845, citĂ© dans NRF p. 170-171. [15] K. Marx, Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte », 1852, citĂ© dans SRF p. 145-146. [16] K. Marx, La bourgeoisie et la contre-rĂ©volution », 1848, dans Marx et Engels, Sur la RĂ©volution française » SRF, Messidor, 1985, p. 121. Cf. aussi l’article contre Karl Heinzen de 1847 En assĂ©nant ces violents coups de masse, la Terreur ne devait donc servir en France qu’à faire disparaĂźtre du territoire français, comme par enchantement, les ruines fĂ©odales. La bourgeoisie timorĂ©e et conciliante n’eĂ»t pas eu assez de plusieurs dĂ©cennies pour accomplir cette besogne. » SRF, p. 90. [17] K. Marx et F. Engels, Adresse de l’autoritĂ© centrale Ă  la Ligue des Communistes », mars 1850, citĂ© dans SRF, p. 137 et 138. [18] Daniel GuĂ©rin, La lutte de classes sous la PremiĂšre RĂ©publique », Gallimard, 1946, p. 12. [19] Cf. SRF p. 103, 115, 118 ; – NRF, p. 238, 247. [20] CitĂ© dans SRF p. 62. [21] Lettre d’Engels Ă  Karl Kautsky, 20 fĂ©vrier 1889, citĂ© dans SRF p. 245-246. [22] K. Marx, La critique moralisante et la morale critique contre Karl Heinzen », est citĂ© dans SRF p. 91 et le passage du Manifeste » se trouve dans NRF p. 215. [23] Daniel GuĂ©rin, La lutte de classes sous la PremiĂšre RĂ©publique », Gallimard, 1946, p. 7. [24] Ibid. Cf. Engels Der Magyarische Kampf », Marx-Engels Werke, Dietz Verlag, Berlin 1961, Tome 6, p. 166. [25] Cf. W. Wachsmuth, Geschichte Frankreichs im Revolutionalter », Hambourg, 1842, Vol. 2, p. 341 Von den Jakobineren ging die nachricht ein, dass sie in Permanenz erklĂ€rt hatten. ». [26] K. Marx, Contribution Ă  la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel », 1944, citĂ© dans NRF, p. 151-153. [27] K. Marx et F. Engels, Adresse de l’autoritĂ© centrale Ă  la Ligue des Communistes », mars 1850, Karl Marx devant les jurĂ©s de Cologne », Costes 1939, p. 238. [28] K. Marx, Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte », 1852, citĂ© dans SRF p. 245-247. [29] A. Gramsci, Ordine Nuovo », Einaudi, Turin, 1954, p. 139-140 ; – Note sul Machiaveli, sul la politica e sul lo stato moderno », Einaudi, Turin, 1955, p. 6 Ă  8, 18, 26. [30] Ernst Bloch, Droit naturel et dignitĂ© humaine », Payot, 1976, p. 178-179. ConsidĂ©rationssur les principaux Ă©vĂ©nements de la RĂ©volution Française: ouvrage posthume, Volume 2 - Ebook written by Madame de StaĂ«l. Read this book using Google Play Books app on your PC, android, iOS devices. Download for offline reading, highlight, bookmark or take notes while you read ConsidĂ©rations sur les principaux Ă©vĂ©nements de la RĂ©volution Française: Considérations sur les principaux événemen ... Madame de StaĂ«l Considérations sur les principaux événemens de la révolution françoise ouvrage posthume de Mad. la baronne de Staël by Madame de StaĂ«l 0 Ratings 0 Want to read 0 Currently reading 0 Have read Loading... Facebook Twitter Pinterest Embed Considérations sur les principaux événemens de la révolution françoise ouvrage posthume de Mad. la baronne de Staël by Madame de StaĂ«l 0 Ratings 0 Want to read 0 Currently reading 0 Have read Considérations sur les principaux événemens de la révolution françoise Overview View 6 Editions Details Reviews Lists Related Books This edition doesn't have a description yet. Can you add one? Showing 6 featured editions. View all 6 editions? 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Book Details Edition Notes Thacher, II, p. 88 French Revolution Publisher's advertisements v. 3, [2] p. at end. Classifications Library of Congress DC138 .S7 1818, Thacher FR574 The Physical Object Pagination 3 v. ; ID Numbers Open Library OL3386860M LCCN 2004573865 No community reviews have been submitted for this work. . 719 323 395 56 567 251 487 242

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